Dans la chaleur humide de Nkonko, au cœur du Kasaï-Central, des mains tremblantes serrent pour la première fois des documents qui valent plus que de l’or : des titres fonciers officiels. Après des années d’errance et d’incertitude, plus de 800 ménages de retournés d’Angola viennent de recevoir ce lundi 17 novembre la preuve tangible qu’ils peuvent enfin reconstruire leurs vies sur une terre qui leur appartient véritablement.
« Je n’arrive toujours pas à y croire », murmure Jean Kabeya, l’un des bénéficiaires, en caressant le papier officiel comme s’il craignait de le voir s’envoler. « Après avoir tout perdu pendant le conflit Kamuina Nsapu, après avoir fui vers l’Angola puis être revenu vivre sous des tentes, ce titre foncier représente bien plus qu’un bout de terre. C’est la certitude que mes enfants auront un héritage, que nous ne serons plus jamais des étrangers sur notre propre sol. »
Cette distribution massive de titres fonciers dans le Kasaï-Central s’inscrit dans un programme plus large de réinsertion durable des réfugiés congolais retournés d’Angola. Soixante-dix-huit familles parmi les plus vulnérables ont même eu la surprise de découvrir des maisons solides construites spécialement pour remplacer leurs abris de fortune. Une initiative concrète qui change radicalement leur quotidien et leurs perspectives d’avenir.
Mais comment en est-on arrivé là ? Rappelons que ces familles avaient dû fuir précipitamment vers l’Angola entre 2016 et 2017, fuyant les violences de la milice Kamuina Nsapu qui avait ensanglanté la région. Leur retour en RDC en 2019, facilité par un programme conjoint du gouvernement et du HCR, ne signifiait pas pour autant la fin de leurs difficultés. La réinstallation à Nkonko s’était faite dans des conditions précaires, avec comme principal abri des tentes qui laissaient passer la pluie et le froid.
« Sans vous, ce site n’existerait pas », a lancé un bénéficiaire ému lors de la cérémonie officielle, adressant sa reconnaissance au HCR et à ses partenaires. Des paroles qui résonnent particulièrement dans cette région longtemps meurtrie par les crises successives.
Le projet, soutenu financièrement par le HCR et mis en œuvre avec le partenaire local ADSSE, vise à offrir une stabilité foncière, condition essentielle pour un avenir digne et sécurisé. La présence du Directeur régional du HCR pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, Abdouraouf Gnon-Konde, au côté du gouverneur de province, témoigne de l’importance stratégique de cette initiative.
« Avec le travail du HCR et des autorités, on se rend compte qu’on peut construire une belle histoire à partir d’une tragédie », a déclaré M. Gnon-Konde lors de la cérémonie. Une phrase qui résume parfaitement l’enjeu de cette opération humanitaire : transformer la douleur d’un exil forcé en espoir d’un avenir radieux.
Au-delà des simples distributions, c’est tout un écosystème de réinsertion qui se met en place progressivement. La sécurisation foncière permet aux familles d’envisager des activités agricoles durables, d’investir dans l’éducation de leurs enfants, et de participer pleinement au développement de leur communauté. La question se pose cependant : cette belle initiative sera-t-elle suffisante pour stabiliser définitivement cette région encore fragile ?
Les défis restent immenses. L’accès à l’eau potable, aux soins de santé et à l’éducation constitue toujours un problème crucial pour de nombreuses familles de retournés. La construction d’infrastructures sociales de base doit accompagner cette sécurisation foncière pour garantir une réinsertion véritablement réussie.
Néanmoins, ce geste humanitaire vient renforcer considérablement les efforts de consolidation de la paix et d’autonomisation dans le Kasaï-Central. En offrant une base solide – littéralement – aux familles déplacées, le HCR et ses partenaires plantent les graines d’une stabilité durable. Les titres fonciers distribués à Nkonko représentent bien plus que de simples documents administratifs : ce sont les fondations sur lesquelles se construira l’avenir de toute une génération d’enfants congolais qui pourront enfin grandir en sécurité sur une terre qui leur appartient.
Alors que le soleil se couche sur Nkonko, des familles entières préparent leur première nuit dans leurs nouvelles maisons, certains titres fonciers soigneusement rangés sous leur matelas, d’autres accrochés fièrement aux murs encore nus. Une page se tourne enfin, ouvrant sur un chapitre nouveau où l’espoir a remplacé la peur, et où la stabilité a chassé la précarité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
