« Nous sommes pris au piège, comme des animaux en cage. Sans cette route, c’est notre survie même qui est menacée. » La voix tremblante d’Itebo Samuel, président de la société civile du territoire de Mwenga, traduit l’angoisse qui étreint des milliers de familles. Ce lundi 27 octobre 2025, la vie s’est arrêtée dans cette région du Sud-Kivu, transformée en ville fantôme par une journée morte historique.
Boutiques fermées, écoles désertes, marchés silencieux – le territoire de Mwenga a observé un arrêt cardiaque collectif. Cette paralysie générale répond à l’appel de la société civile locale, qui exige la réouvation urgente de la route nationale 2, verrouillée depuis le 8 octobre par les rebelles du M23. Comment une simple voie terrestre peut-elle devenir l’enjeu vital pour toute une population ?
« La route nationale 2 entre Bukavu, Bwahungu et Kamituga représente notre cordon ombilical, notre unique lien avec le monde extérieur », explique Itebo Samuel, la fatigue perceptible dans sa voix. « Les médicaments, les denrées alimentaires, tout ce qui maintient notre communauté en vie transite par cette artère. Aujourd’hui, nous sommes condamnés à l’asphyxie lente. »
Le tableau dressé par les habitants est alarmant. Les pharmacies ont épuisé leurs stocks, les centres de santé fonctionnent au ralenti, et les prix des produits de première nécessité ont flambé. « Mes enfants n’ont plus leurs médicaments contre le paludisme », témoigne une mère de famille croisée devant une école fermée. « L’école a renvoyé les enfants à la maison, mais à la maison, nous n’avons plus de quoi les soigner. »
Panji Mazambi, autre figure de la société civile de Mwenga, ne mâche pas ses mots : « Cette interdiction de circulation constitue une grave violation des droits humains et des principes humanitaires internationaux. Priver délibérément une population civile d’accès aux soins et aux produits essentiels, est-ce acceptable au 21ème siècle ? »
La situation devient critique pour les malades chroniques et les femmes enceintes. Plusieurs véhicules transportant des médicaments et des produits pharmaceutiques restent bloqués au niveau de Bwahungu, formant une file immobile qui symbolise l’immobilisme des autorités face à cette crise humanitaire.
La journée morte du territoire de Mwenga dépasse la simple protestation locale. Elle interroge sur la capacité de l’État à assurer la sécurité et la libre circulation des biens et des personnes dans l’est de la RDC. Jusqu’où une population doit-elle descendre dans la détresse pour que sa voix soit entendue ? Combien de jours supplémentaires devront-ils vivre coupés du monde avant que la communauté internationale ne réagisse ?
Derrière cette paralysie des activités se cache un drame humain aux proportions inquiétantes. Les acteurs locaux alertent sur les conséquences à moyen terme : rupture des stocks alimentaires, aggravation des conditions sanitaires, effondrement économique d’un territoire déjà fragilisé. La société civile de Mwenga, par cette action pacifique, tente d’éviter le pire.
« Nous ne demandons pas la lune, seulement le respect de notre droit fondamental à la santé et à la vie », insiste Itebo Samuel. Son appel résonne comme un cri d’alarme lancé depuis une région qui se sent abandonnée. La route nationale 2 n’est plus simplement une question d’asphalte et de gravier, mais le baromètre de la dignité humaine dans le Sud-Kivu.
Alors que la nuit tombe sur un Mwenga silencieux, une question persiste : combien de journées mortes faudra-t-il encore observer avant que les armes ne se taisent et que les routes ne rouvrent ? La réponse engage non seulement l’avenir immédiat des habitants du territoire de Mwenga, mais celui de toute une région en quête de paix et de normalité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
