La province de la Tshopo traverse-t-elle une crise de gouvernance silencieuse ? Le collectif des Leaders Intellectuels de la Grande Orientale tire la sonnette d’alarme dans un rapport accablant qui juge le gouvernement provincial « inefficace » et pointe du doigt l’irrégularité criante des conseils des ministres. Cette évaluation sévère interpelle l’ensemble de la classe politique provinciale et soulève des questions fondamentales sur la gestion des affaires publiques dans cette entité stratégique de la République Démocratique du Congo.
Selon les données compilées par cette association, le gouvernement provincial ne se serait réuni que sept fois en conseil des ministres sur une année complète d’exercice. Un chiffre qui fait pâlir d’envie les administrations les plus léthargiques, surtout lorsque l’on sait que ces réunions sont théoriquement programmées chaque mercredi. Comment expliquer une telle paralysie décisionnelle dans une province confrontée à d’innombrables défis de développement ?
Le professeur Grison-Trésor Kakumbi, coordonnateur de l’association, ne mâche pas ses mots pour qualifier cette situation : « C’est un manque criant de sérieux. Ce qui veut dire : aucune évaluation de la situation sécuritaire traitée en conseil des ministres ; aucune évaluation sur les plans des infrastructures sanitaires ; aucune évaluation dans chaque secteur par rapport aux problèmes sociaux de base ». Ces accusations graves mettent en lumière un déficit de pilotage gouvernemental qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur le quotidien des populations.
La rareté des conseils des ministres traduirait-elle un « étouffement » des autres membres du gouvernement provincial, comme le suggèrent les Leaders Intellectuels ? L’association s’interroge ouvertement sur le fonctionnement interne de l’exécutif provincial : « Pourquoi quand le gouverneur n’est pas là, le vice-gouverneur ne tient pas les conseils des ministres ? » Cette question rhétorique en soulève une autre, plus fondamentale : le gouvernement Tshopo fonctionne-t-il comme une équipe ou comme une émanation personnelle de son chef ?
Le timing de cette révélation n’est pas anodin. Paulin Lendongolia, gouverneur de la Tshopo, subit actuellement une pression croissante de la part des acteurs politiques et de la société civile. L’absence de réaction du porte-parole du gouvernement provincial face à ces accusations n’arrange guère sa situation. Dans un contexte où la transparence et la redevabilité sont érigées en principes cardinales de la bonne gouvernance, ce silence institutionnel pourrait être interprété comme un aveu d’impuissance.
Le dernier compte-rendu de conseil des ministres remonte à août 2025, selon les informations recueillies. Cette absence de communication régulière sur les décisions gouvernementales nourrit le sentiment d’opacité et d’immobilisme. Pendant ce temps, les problèmes de sécurité, les défis sanitaires et les besoins infrastructurels de la population attendent des solutions que seules des instances de décision régulières et fonctionnelles peuvent apporter.
Cette évaluation des Leaders Intellectuels de la Grande Orientale pose inévitablement la question de l’efficacité des mécanismes de contrôle interne au sein de l’administration provinciale. L’Assemblée provinciale, destinataire du rapport, se trouvera désormais dans l’obligation de se positionner face à ces révélations qui mettent en cause le fonctionnement même de l’exécutif qu’elle est censée contrôler.
Au-delà de la simple comptabilité des réunions manquées, c’est toute la philosophie de l’action gouvernementale qui est remise en cause. Un gouvernement peut-il légitimement prétendre gérer une province sans se réunir régulièrement pour évaluer l’état des lieux, coordonner les actions et anticiper les crises ? La réponse des Leaders Intellectuels est sans appel, et leur rapport d’évaluation Tshopo pourrait bien marquer un tournant dans le suivi citoyen de l’action publique dans la Grande Orientale.
Alors que Paulin Lendongolia affronte cette nouvelle salve de critiques, la balle est désormais dans le camp des institutions provinciales. L’Assemblée devra-t-elle user de ses prérogatives de contrôle pour exiger des comptes ? Les partenaires techniques et financiers réévalueront-ils leur confiance dans une administration dont la régularité de fonctionnement semble si compromise ? Autant de questions qui restent en suspens, dans l’attente d’une réaction officielle qui se fait toujours attendre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd