La démission de Vital Kamerhe de la présidence de l’Assemblée nationale a ouvert une brèche politique que chaque formation de la majorité présidentielle observe avec une attention particulière. Dans ce jeu d’échecs parlementaire, Jean-Claude Tshilumbayi, Premier Vice-président assurant l’intérim, déploie une stratégie aussi subtile qu’audacieuse : renoncement personnel affiché mais revendication partisane assumée.
Le représentant de l’UDPS/Tshisekedi, lors de son passage sur Top Congo Fm, a magistralement joué la partition de l’homme d’appareil, niant toute ambition personnelle tout en brandissant l’étendard de son parti. « Je suis assez à l’aise » dans ses fonctions actuelles, assure-t-il, comme pour mieux légitimer sa subsequent revendication collective. Cette dialectique du « je » modeste et du « nous » conquérant n’est-elle pas le propre des manœuvres politiques les plus raffinées ?
La justification avancée par Tshilumbayi s’ancre dans l’arithmétique parlementaire la plus élémentaire : l’UDPS, disposant de la coalition la plus importante au sein de l’Union sacrée, devrait logiquement hériter de la présidence de la chambre basse. « Le parti qui a le plus de députés, c’est lui qui prend la présidence », martèle-t-il, reformulant ainsi les règles non écrites de la répartition du pouvoir au sein de la majorité présidentielle.
Cette position tranche avec le précédent arrangement institutionnel qui voyait l’UDPS occuper la vice-présidence tandis qu’un autre parti de la majorité détenait la présidence. Tshilumbayi balaie cet antécédent d’un revers de main : « Nous avions plutôt choisi » cette configuration, laissant entendre que le parti pourrait aujourd’hui faire un choix différent. N’assiste-t-on pas ici à une reconfiguration des équilibres au sein de l’Union sacrée de la nation ?
Pourtant, dans un ultime mouvement oratoire, le Premier Vice-président tempère sa revendication en rappelant la suprématie du « chef de l’Union sacrée », le Président Félix Tshisekedi. Cette profession de loyauté finale révèle la véritable nature du processus décisionnel : les appétits partisans, bien que réels, s’inclineront devant l’arbitrage présidentiel. L’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale se fera « dans l’intérêt de l’institution », affirme Tshilumbayi, comme pour rappeler que les considérations politiciennes ne sauraient primer sur la stabilité institutionnelle.
Cette succession à la tête de la chambre basse du parlement congolais dépasse la simple question du remplacement d’un homme par un autre. Elle engage l’équilibre des forces au sein de la majorité présidentielle et teste la cohésion de l’Union sacrée. La revendication de l’UDPS, si elle se concrétisait, marquerait un rééquilibrage du pouvoir législatif en faveur du parti présidentiel, avec toutes les implications que cela comporte pour l’exécutif.
L’absence de délai contraignant dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale laisse le temps nécessaire aux négociations en coulisses. Ce laps de temps pourrait soit permettre un consensus harmonieux, soit exacerber les tensions latentes entre les différentes composantes de la majorité. La manière dont cette succession sera gérée constituera un test décisif pour la maturité politique de la coalition au pouvoir.
La question fondamentale demeure : l’Union sacrée saura-t-elle préserver son unité face aux appétits légitimes de ses composantes ? La réponse se jouera dans les prochaines semaines, dans les couloirs du Palais du Peuple et lors des réunions de coordination de la majorité présidentielle. L’enjeu dépasse la simple présidence d’une institution pour toucher à l’équilibre même du pouvoir en République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net