Le secteur minier congolais, pilier de l’économie nationale, traverse une crise de confiance sans précédent. Un audit approfondi vient de révéler que les compagnies minières opérant en République Démocratique du Congo ont systématiquement sous-déclaré 16,8 milliards USD de revenus entre 2018 et 2023. Cette fraude minière à grande échelle représente près de 40% du budget national annuel et équivaut à trois fois le montant de l’aide internationale reçue par le pays sur la même période.
L’enquête, menée par des experts internationaux en collaboration avec la Cour des Comptes congolaise, a mis en lumière des écarts significatifs entre les déclarations faites aux administrations fiscales et celles transmises aux autorités minières locales. Comment expliquer une telle divergence dans les chiffres déclarés ? La réponse réside dans des pratiques comptables opaques et une volonté délibérée de minimiser les obligations fiscales.
La gouvernance minière au Congo fait face à son plus sévère test de crédibilité. Les mécanismes de contrôle, pourtant renforcés par la révision du Code minier de 2018, se sont révélés insuffisants face à des stratégies d’optimisation fiscale agressive. Les entreprises concernées, dont les noms n’ont pas encore été officiellement divulgués, auraient utilisé des techniques sophistiquées de transfer pricing et de sous-évaluation des productions pour échapper à leur pleine contribution fiscale.
Les conséquences de cette fraude minière massive sont particulièrement criantes dans les provinces minières du Haut-Katanga et du Lualaba. Les communautés locales, qui devaient bénéficier de 0,3% du chiffre d’affaires des sociétés minières au titre de la redevance minière, ont été privées de près de 50 millions USD destinés au développement d’infrastructures sociales de base. Des écoles, des centres de santé et des routes qui auraient pu transformer le quotidien des populations restent à l’état de projets.
L’audit des revenus miniers soulève des questions fondamentales sur la transparence dans la gestion des ressources naturelles. Malgré l’adhésion de la RDC à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), les pratiques de sous-déclaration ont persisté, révélant les limites des mécanismes de contrôle existants. La sous-déclaration des compagnies minières n’est-elle pas le symptôme d’un système de gouvernance à réformer en profondeur ?
Les recommandations de l’audit appellent à un renforcement drastique des capacités de supervision de l’administration minière. Parmi les mesures proposées figurent l’installation de systèmes de monitoring en temps réel des productions, l’harmonisation des déclarations entre les différentes administrations et la mise en place de sanctions dissuasives contre les contrevenants. La création d’un tribunal spécialisé pour les litiges miniers est également à l’étude.
Sur le plan économique, cette révélation intervient à un moment crucial pour la RDC. Le pays, qui table sur les recettes minières pour financer son plan de développement national, ne peut se permettre de telles fuites de ressources. Le secteur minier représente 30% du PIB national et 95% des exportations. Chaque dollar non perçu en raison de la fraude minière se traduit par un manque à gagner dans le financement des services publics essentiels.
La communauté internationale suit ce dossier avec attention. Les bailleurs de fonds, qui accompagnent la RDC dans ses réformes économiques, attendent des actions concrètes pour restaurer la confiance dans la gestion du secteur minier. La crédibilité du pays comme destination d’investissement responsable en dépend largement.
Alors que des sanctions sont recommandées contre les entreprises fautives, se pose la question de la récupération des fonds détournés. Les experts estiment que le processus pourrait prendre plusieurs années et nécessitera une coopération judiciaire internationale. La RDC devra faire preuve de détermination et de transparence dans ce combat pour la préservation de ses ressources nationales.
Article Ecrit par Amissi G
Source: https://www.reuters.com/sustainability/society-equity/congo-mining-firms-underreported-168-billion-revenue-audit-says-2025-10-08/?utm_source=chatgpt.com