La province du Maniema vit actuellement un moment charnière dans sa politique de désenclavement. Depuis ce lundi 6 octobre, le gouverneur Moïse Mussa Kabwankubi mène personnellement une inspection minutieuse des travaux de réhabilitation des axes Kindu-Pangi et Kindu-Kailo. Cette mission hautement symbolique rassemble l’ensemble des forces vives de la province : gouvernement provincial, Assemblée provinciale, représentants religieux et organisations de la société civile. Une démonstration de transparence ou une opération de communication soigneusement orchestrée ?
Le financement de ces travaux routiers révèle une stratégie politique audacieuse. La taxe conventionnelle, initiative fiscale locale, a permis de mobiliser des ressources significatives sans recours systématique à Kinshasa. Le gouverneur joue ici un jeu subtil : démontrer la capacité d’autofinancement provincial tout en soulignant les carences du gouvernement central en matière d’infrastructures. Cette approche pourrait-elle marquer un tournant dans les relations entre provinces et pouvoir central ?
L’Office provincial d’entretien routier du Maniema (OPERMA) apparaît comme le principal bénéficiaire de cette manne financière. Depuis janvier 2025, l’organisme provincial a déployé des équipes sur le terrain pour concrétiser cette ambition routière. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 350 kilomètres ouverts à la circulation, un réseau qui commence à ressembler à une véritable colonne vertébrale pour cette province longtemps isolée.
Dans le territoire de Pangi, l’OPERMA a concentré ses efforts sur quatre axes stratégiques. Le tronçon Nyoka-Pangi (88 km) et Pangi-Lubile (88 km) forment désormais un continuum routier remarquable. L’axe Lubile-Kalima (45 km) et Kikungwa-Misoke-Lubilazya (37 km) complètent ce maillage essentiel. Du côté de Kailo, les travaux sur Binamboto-Kailo (20 km) et Lonyoma-Pont Ulindi (75 km) témoignent d’une approche méthodique du désenclavement.
La technique employée mérite analyse : débroussaillage systématique, abattage d’arbres, décapage en profondeur et construction de caniveaux. Des méthodes classiques mais qui, appliquées avec régularité, transforment progressivement les pistes de terre battue en véritables routes praticables. L’OPERMA démontre-t-il ici une expertise suffisante pour pérenniser ces infrastructures ? La question de la maintenance à long terme se pose avec acuité.
Le gouverneur Kabwankubi ne cache pas ses ambitions. En évoquant la réduction de la dépendance à la voie aérienne, il pointe du doigt l’un des principaux handicaps du développement économique provincial. Les coûts logistiques exorbitants, l’impossibilité d’exporter les productions locales, l’isolement des populations : autant de maux que cette initiative tente de soulager. Mais jusqu’où cette autonomie affichée peut-elle réellement aller ?
La taxe conventionnelle, pierre angulaire du financement, représente un pari politique risqué. Son acceptation par la population témoigne d’une adhésion aux projets de développement provincial, mais cette patience citoyenne a ses limites. Les contribuables attendront-ils patiemment de voir les retombées concrètes de leurs sacrifices financiers ? Le succès de cette opération de réhabilitation routes Maniema conditionnera certainement l’avenir de ce mode de financement.
Cette inspection intervient à un moment crucial : après huit mois de travaux, l’heure est au premier bilan. Le gouverneur et sa délégation pourront-ils constater des avancées tangibles ? Les populations locales ressentent-elles déjà les effets de ce désenclavement progressif ? Autant de questions qui trouveront leurs réponses au fil de cette tournée provinciale.
À plus long terme, cette initiative pose la question du modèle de développement provincial. Le Maniema peut-il véritablement compter sur ses seules ressources pour achever son maillage routier ? La taxe conventionnelle suffira-t-elle à financer l’entretien régulier de ces infrastructures ? Le gouvernement central saura-t-il reconnaître le mérite de cette approche et lui apporter le soutien technique et financier nécessaire ?
L’opération de réhabilitation routes Maniema dépasse largement le simple cadre des travaux publics. Elle incarne une vision politique, une volonté d’autonomie et peut-être même une certaine conception des relations entre province et État central. Le gouverneur Kabwankubi a visiblement choisi son camp : celui d’une province qui prend son destin en main, quitte à bousculer certaines habitudes kinoises.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net