Dans les marchés d’Ezekere, quelque chose d’extraordinaire se produit. Des mains qui s’étaient tendues vers des armes se tendent désormais vers des produits agricoles. Des regards qui exprimaient la haine affichent maintenant la complicité des voisins qui se reconnaissent. Comment en est-on arrivé là, après des années de violences intercommunautaires qui ont ensanglanté l’Ituri ?
Elisabeth Buve, femme leader engagée dans ce processus de paix, nous confie avec émotion : « Aujourd’hui, nous nous retrouvons à nouveau dans les marchés, nous échangeons nos produits, et même dans les champs, nous travaillons ensemble. Cela fait renaître l’espoir après tant d’années de souffrance. » Ce témoignage poignant résume le chemin parcouru dans les groupements Penyi, Bedu Ezekere (Lendu), Tambaki et Sala (Hema).
La transformation semble presque miraculeuse quand on connaît l’histoire récente de cette région. Pourtant, cette renaissance pacifique n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte d’un travail patient et continu de sensibilisation mené par le Réseau des femmes médiatrices de l’Ituri (REFEMI) avec l’appui déterminant de la MONUSCO. La médiation Ituri prend ici tout son sens, démontrant que même les conflits les plus enracinés peuvent trouver des issues pacifiques.
Sur le terrain, les signes de cette réconciliation sont tangibles et quotidiens. Les éleveurs Hema peuvent à nouveau faire paître leurs bœufs sur les terres Lendu sans craindre pour leur vie. Les agriculteurs des deux communautés cultivent côte à côte, partageant parfois même leurs outils et leurs techniques. Les marchés, ces lieux d’échange par excellence, redeviennent des espaces de rencontre et de commerce intercommunautaire.
Lors d’une rencontre d’évaluation tenue le 6 octobre 2025 à Ezekere, l’émotion était palpable parmi les leaders communautaires. Ces hommes et femmes qui avaient connu la méfiance et la violence saluaient les avancées accomplies et prenaient l’engagement solennel de renforcer cette cohésion sociale pour une paix durable. Le conflit Hema Lendu, qui semblait insoluble, trouve progressivement des solutions grâce à cette approche inclusive.
L’administrateur du territoire de Djugu, Ruffin Makpela, n’a pas caché sa satisfaction devant ces progrès. « Je félicite l’initiative des femmes médiatrices et appelle les autres localités encore en tension à s’en inspirer », a-t-il déclaré, reconnaissant le rôle crucial joué par REFEMI MONUSCO dans ce processus. Son appel témoigne de l’importance de dupliquer cette expérience réussie dans d’autres zones encore en proie aux tensions.
Mais comment cette réconciliation communautaire RDC a-t-elle été possible ? Le secret réside peut-être dans l’approche adoptée par les médiatrices. Plutôt que d’imposer des solutions venues d’ailleurs, elles ont travaillé à faire émerger les ressorts de la paix à partir des traditions locales et des aspirations communes des populations. La paix Djugu se construit ainsi pierre par pierre, relation par relation.
La MONUSCO, partenaire clé de cette initiative, continue de soutenir REFEMI par des formations adaptées et des moyens logistiques et financiers appropriés. Cet appui extérieur, combiné à l’engagement local, crée une synergie porteuse d’espoir pour toute la province. La réconciliation communautaire RDC avance ainsi à petits pas, mais de manière déterminée.
Pourtant, des défis persistent. La méfiance, si longtemps cultivée, ne s’évapore pas en quelques mois. Les blessures psychologiques des années de violence demandent du temps pour cicatriser. Et les questions foncières, à l’origine de nombreux conflits, nécessitent des solutions durables et équitables. La médiation Ituri doit donc se poursuivre avec la même détermination.
Ce processus de réconciliation dépasse largement le simple cadre de la cohabitation pacifique. Il représente un espoir pour toute la région des Grands Lacs, démontrant que même les divisions les plus profondes peuvent être surmontées par le dialogue et la volonté commune. La paix Djugu pourrait bien inspirer d’autres initiatives similaires dans des zones encore en proie aux conflits intercommunautaires.
Alors que le soleil se couche sur les champs de Djugu où Hema et Lendu travaillent désormais côte à côte, une question se pose : cette fragile fleur de la réconciliation pourra-t-elle résister aux vents contraires ? La réponse dépendra de la capacité des acteurs locaux et internationaux à maintenir cet élan, et surtout, de la volonté des communautés elles-mêmes de construire ensemble un avenir meilleur. Le conflit Hema Lendu a trop duré, et la soif de paix est désormais plus forte que les vieilles rancunes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
