Dans une manœuvre diplomatique aux implications économiques majeures, le président Félix Tshisekedi place Washington devant ses responsabilités stratégiques. Le chef de l’État congolais conditionne explicitement l’accès aux minerais essentiels à l’industrie technologique américaine au soutien actif des États-Unis dans la sécurisation de l’est du pays, théâtre de conflits récurrents.
La République Démocratique du Congo, qui produit près de 75% du cobalt mondial et détient plus de la moitié des réserves planétaires de ce métal stratégique, joue désormais la carte de sa domination minière comme levier géopolitique. « Nous pensons que puisque les États-Unis sont intéressés par ces minéraux stratégiques, leur premier réflexe sera évidemment de garantir la sécurité de ces investissements », a affirmé Tshisekedi dans des propos qui ressemblent à un ultimatum diplomatique.
Cette position congolaise intervient dans un contexte sécuritaire particulièrement tendu dans les provinces orientales, où le groupe rebelle M23 étend son emprise sur des territoires riches en minerais près de Goma. Les investigations onusiennes pointent du doigt le Rwanda comme soutien actif de cette rébellion – accusation fermement rejetée par Kigali. Le président congolais, lors de son passage à l’Assemblée générale des Nations Unies, a réclamé des sanctions contre « les auteurs de crimes économiques, mais aussi de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide commis dans l’est de mon pays ».
L’administration américaine se trouve ainsi confrontée à un dilemme stratégique : comment concilier ses impératifs d’approvisionnement en minerais stratégiques Congo avec ses alliances régionales complexes ? L’accord de paix négocié en juin sous médiation américaine, dont l’ancien président Donald Trump s’était attribué le mérite, montre aujourd’hui ses limites. « Le Congo et le Rwanda, ils ont dit qu’il était impossible de s’installer », avait déclaré l’ancien président. Pourtant, les combats persistent, et Tshisekedi accuse Kigali de maintenir son soutien déguisé au M23.
La vision présidentielle congolaise dépasse la simple sécurisation des zones minières. Tshisekedi revendique une transformation profonde du modèle économique : « Nous ne servirons plus simplement de terre d’extraction, mais nous serons aussi une terre de transformation ». Cette déclaration constitue un changement de paradigme dans la gestion des ressources minières de la RDC, traditionnellement exportées sous forme brute.
Dans le grand jeu des influences entre puissances, le président congolais affiche une neutralité de façade. « Nous n’avons pas de préférence. Nous sommes amis avec tout le monde », déclare-t-il, tout en ayant renégocié un accord minier majeur avec Pékin qu’il qualifie lui-même de déséquilibré. Cette posture équilibriste masque-t-elle une stratégie délibérée de playing off les grandes puissances les unes contre les autres ?
Les enjeux sécuritaires Est RDC demeurent au cœur des préoccupations. La persistance des conflits armés dans les zones riches en minerais stratégiques Congo compromet non seulement la stabilité régionale, mais aussi les investissements internationaux. La communauté internationale, et particulièrement les États-Unis, peuvent-ils se permettre d’ignorer ce chantage aux minerais essentiels à leur transition énergétique et technologique ?
La situation se complique davantage avec la résurgence d’Ebola dans la province du Kasai, où 57 cas et 35 décès ont été enregistrés depuis septembre. Tshisekedi note que les États-Unis, après avoir initialement soutenu la riposte, ont réduit leur engagement. Cette épidémie ajoute une dimension humanitaire urgente aux défis sécuritaires et économiques.
Alors que les relations RDC-USA entrent dans une phase décisive, la balle semble dans le camp américain. Washington saura-t-il concilier ses intérêts stratégiques en matière d’approvisionnement en cobalt RDC avec les impératifs de stabilisation de la région ? La réponse à cette question déterminera non seulement l’avenir des minerais stratégiques Congo, mais aussi l’équilibre géopolitique de toute l’Afrique centrale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
