Dans le secteur des Bakano, au cœur du territoire de Walikale, des bâtiments inachevés se dressent comme des cicatrices dans le paysage. « Nous voyons ces murs qui s’effritent jour après jour, alors que nos enfants étudient sous des arbres et que nos malades meurent par manque de soins appropriés », témoigne un habitant découragé. Comment expliquer que des projets si essentiels pour le développement 145 territoires soient ainsi laissés à l’abandon ?
Le programme de développement des territoires, initiative présidentielle ambitieuse, devait apporter une lueur d’espoir aux communautés oubliées. Pourtant, dans le Nord-Kivu, les chantiers abandonnés racontent une autre histoire. Trois écoles secondaires et deux centres de santé de référence gisent aujourd’hui dans un état d’inachèvement cruel. L’Institut Tengeneza d’Itebero, l’Institut Mutiku et l’Institut Musenge représentent pourtant l’avenir éducatif de toute une génération. De même, le Centre de santé Kabamba et le Centre de santé de référence de Musenge auraient pu transformer l’accès aux soins dans cette région reculée.
« Ces infrastructures scolaires à Walikale étaient notre seule chance de voir nos enfants accéder à une éducation de qualité », confie une mère de famille rencontrée près du chantier de l’Institut Musenge. Le désarrois se lit dans les yeux des parents qui doivent choisir entre envoyer leurs enfants dans des établissements surpeuplés ou les priver d’éducation. La situation est tout aussi critique dans le domaine sanitaire, où les centres de santé RDC abandonnés laissent des milliers de personnes sans accès aux soins de base.
Le chef de secteur des Bakano, Mwami Yoane Selemani, ne cache pas son amertume. « Comment accepter que notre territoire reste en marge du développement alors que d’autres entités bénéficient déjà des fruits de ce programme ? » interroge-t-il. Son plaidoyer pour la finalisation des travaux prend une dimension particulière quand on sait que ces infrastructures représentent les seules réalisations promises à sa communauté dans le cadre du vaste programme développement territoires.
La question qui se pose aujourd’hui dépasse le simple cas des chantiers abandonnés Nord-Kivu. Elle interroge la cohérence des politiques de développement et leur mise en œuvre effective. Comment garantir que les investissements publics profitent réellement aux populations ? Quel mécanisme de suivi mettre en place pour éviter que de tels abandons ne se reproduisent ?
Les conséquences de cet abandon sont multiples et profondes. Sur le plan éducatif, c’est toute une génération qui risque de perdre sa chance d’accéder à une formation de qualité. Sur le plan sanitaire, le manque d’infrastructures adaptées compromet les efforts de lutte contre la mortalité infantile et maternelle. Le développement économique de la région s’en trouve également affecté, privé des retombées positives que génèrent habituellement de telles infrastructures.
La situation à Walikale soulève des interrogations fondamentales sur la gouvernance locale et la transparence dans la gestion des projets publics. Les populations attendent des comptes et des solutions concrètes. Elles méritent plus que des promesses non tenues et des chantiers fantômes.
Alors que le programme de développement des 145 territoires devait symboliser un nouveau départ pour les régions marginalisées, l’exemple de Walikale rappelle cruellement les défis qui persistent. La finalisation de ces projets abandonnés représenterait non seulement une victoire pour les habitants des Bakano, mais aussi un signal fort en faveur d’un développement équitable et inclusif en République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
