Le bruit sec des bidons jaunes qui s’entrechoquent résonne dans les ruelles poussiéreuses de Bumbu. Depuis plus de trois semaines, Marie, mère de cinq enfants, parcourt quotidiennement près de trois kilomètres pour trouver de l’eau potable. « Chaque matin, c’est la même galère », soupire-t-elle en ajustant le récipient de vingt litres sur sa tête. « Comment la REGIDESO peut-elle nous abandonner ainsi sans même un communiqué d’explication ? »
La crise de l’eau frappe durement les communes de Bumbu, Selembao et Ngiri-Ngiri, plongeant des milliers de familles dans une précarité hydrique inquiétante. À Ngiri-Ngiri, le calvaire des habitants ressemble étrangement à celui de leurs voisins de Bumbu : robinets secs, files d’attente interminables aux rares points d’eau encore fonctionnels, et cette question qui revient sans cesse : jusqu’à quand devront-ils supporter cette pénurie d’eau potable ?
Dans le secteur de Selembao, la situation n’est guère plus reluisante. Ici, la pénurie d’eau remonte à deux semaines, mais les conséquences se font déjà cruellement sentir. Les femmes tenant les « Malewa », ces restaurants de fortune qui constituent l’épine dorsale de l’économie informelle locale, voient leurs activités paralysées. « Sans eau, impossible de travailler », confie Antoinette, propriétaire d’un de ces établissements. « Comment nettoyer les légumes, laver la vaisselle ou préparer à boire ? Nos clients nous abandonnent les uns après les autres. »
La distribution d’eau par la REGIDESO dans ces quartiers populaires de Kinshasa semble avoir complètement dysfonctionné. Pourtant, les abonnés continuent de payer leurs factures, souvent avec difficulté. « C’est un scandale ! » s’indigne Jean, résident de Bumbu. « Nous payons régulièrement, mais en retour, nous n’avons même pas le minimum : de l’eau pour boire, cuisiner et nous laver. »
Les conséquences de cette pénurie d’eau à Kinshasa dépassent largement le simple inconfort quotidien. Dans les centres de santé locaux, les médecins s’inquiètent de la recrudescence des maladies hydriques. « Sans eau potable, les populations se rabattent sur des sources alternatives, souvent contaminées », explique un médecin sous couvert d’anonymat. « Nous observons déjà une augmentation des cas de diarrhée, surtout chez les enfants. »
Comment une telle situation a-t-elle pu s’installer dans la capitale congolaise sans que des solutions d’urgence ne soient mises en place ? Pourquoi la REGIDESO Bumbu et ses antennes dans les autres communes concernées ne communiquent-elles pas sur les causes de cette interruption et les délais de retour à la normale ?
Les femmes, principales victimes de cette crise, doivent développer des stratégies de survie complexes. Certaines se lèvent à 4 heures du matin pour être parmi les premières aux points d’eau, d’autres dépensent l’équivalent d’une journée de revenus pour acheter de l’eau à des revendeurs privés. « L’eau est devenue un luxe », déplore Christine, habitante de Ngiri-Ngiri. « Nous qui avions l’habitude d’avoir l’eau courante, nous voilà réduits à la situation de nos villages d’origine. »
La crise de l’eau potable à Selembao, Bumbu et Ngiri-Ngiri soulève des questions fondamentales sur la gestion des services publics en RDC. Alors que les autorités promettent régulièrement l’amélioration des conditions de vie des populations, comment expliquer que l’accès à l’eau – besoin élémentaire s’il en est – reste si précaire dans certains quartiers de la capitale ?
Les habitants, fatigués de cette situation intenable, commencent à s’organiser. Des comités de quartier se forment pour interpeller directement les autorités locales. « Nous ne voulons plus de promesses vides », affirme un porte-parole des résidents de Bumbu. « Ce que nous demandons, c’est une solution durable et transparente. La REGIDESO doit assumer ses responsabilités. »
La distribution d’eau en RDC, particulièrement dans les zones urbaines comme Kinshasa, reste un défi de taille. Entre infrastructures vieillissantes, croissance démographique non maîtrisée et gestion parfois défaillante, le chemin vers un accès universel à l’eau potable semble encore long. Pourtant, les populations de Bumbu, Selembao et Ngiri-Ngiri n’ont d’autre choix que de continuer leur lutte quotidienne pour ce liquide vital, espérant que leur cri d’alarme sera enfin entendu.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net