Dans la chaleur humide de Kinshasa, sous les voûtes de la mosquée Al-Rasoul de Ngaliema, une scène inhabituelle se déroulait ce dimanche 5 octobre. L’archevêque Dodo Kamba, président du Conseil interreligieux congolais, tendait la main à la communauté chiite lors de la célébration des 1500 ans de la naissance du prophète Mahomet. Un symbole fort alors que l’Est du pays sombre dans la violence.
« Comment pouvons-nous prétendre servir Dieu si nous restons divisés face aux souffrances de notre peuple ? » Cette question, posée par l’archevêque, résonnait comme un cri du cœur dans l’enceinte sacrée. Alors que les provinces de l’Est connaissent l’une des crises sécuritaires les plus graves de leur histoire, les leaders religieux semblent prendre la mesure de leur responsabilité.
Le thème de la cérémonie, « Miséricorde divine, langage commun entre les envoyés de Dieu : de Jésus à Muhammad », n’avait rien d’anodin. Il traduisait cette urgence de trouver un terrain d’entente au-delà des différences doctrinales. « Il n’y a qu’un seul Dieu qui nous unit », insistait Dodo Kamba, la voix chargée d’émotion. « C’est pourquoi nous devons transcender nos égos et nos différends, et apprendre à vivre ensemble. »
Mais au-delà des belles paroles, quelle réalité pour cette cohésion religieuse en RDC ? Dans un pays où les tensions interconfessionnelles ont parfois alimenté les conflits, l’appel de Dodo Kamba représente-t-il un véritable tournant ? La remise d’un tableau en signe de reconnaissance par la communauté chiite à l’archevêque semble indiquer une volonté réciproque de dialogue.
« Le pays traverse une période difficile », reconnaissait le président du CIC. « Je pense que l’espoir repose sur les religieux, les hommes de Dieu que nous sommes. Si nous apprenons à parler un langage commun, nous faciliterons la tâche aux politiques et aux citoyens de ce pays. » Une déclaration qui interpelle sur le rôle des confessions religieuses dans la résolution des crises sécuritaires.
La communauté chiite de Kinshasa, souvent discrète, sortait ainsi de l’ombre pour affirmer sa place dans le paysage religieux congolais. Cette célébration devenait bien plus qu’un événement commémoratif : un acte politique et spirituel fort. Dans un contexte où les divisions ethniques et régionales menacent l’unité nationale, cette initiative interreligieuse pourrait-elle servir de modèle ?
Les défis restent immenses. Comment construire une véritable cohésion entre confessions religieuses quand, sur le terrain, la violence continue de faire des victimes quotidiennes ? L’appel de Dodo Kamba trouvera-t-il un écho au-delà de la capitale ? La route vers la paix dans l’Est passe-t-elle nécessairement par une unité des croyants ?
Ce qui est certain, c’est que le geste de la communauté chiite et la réponse de l’archevêque ouvrent une perspective nouvelle. Ils démontrent que malgré les différences théologiques, une solidarité spirituelle est possible face à l’adversité. La véritable question maintenant est de savoir si cette unité naissante pourra se traduire en actions concrètes pour apaiser les souffrances des populations de l’Est.
Alors que la nuit tombait sur Kinshasa, portant avec elle les espoirs et les craintes de millions de Congolais, le message de Dodo Kamba continuait de résonner : l’unité des confessions religieuses n’est plus une option, mais une nécessité vitale pour la survie de la nation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
