Dans l’univers tumultueux des droits d’auteur en République Démocratique du Congo, une partition dissonante se joue depuis des années. La Société Congolaise des Droits d’Auteur et des Droits Voisins (SOCODA) ressemble à une scène où deux clans s’affrontent dans un ballet de pouvoir aussi complexe qu’épuisant pour les véritables créateurs.
Comment en est-on arrivé à cette situation où la gestion des droits d’auteur en RDC ressemble à une bataille sans fin ? Le conflit SOCODA oppose deux visions, deux approches, deux légitimités qui s’entrechoquent dans un vacarme assourdissant pour les artistes congolais. D’un côté, le clan Nyoka, emmené par Jossart Nyoka Longo, de l’autre, le clan Bula, dirigé par Blaise Bula. Deux forces qui se disputent le contrôle institutionnel d’une structure censée protéger les créateurs.
Cette lutte pour le pouvoir se traduit par des batailles judiciaires à répétition, des assemblées générales annulées, des décisions controversées et surtout, une opacité financière qui nourrit les suspicions. Les bilans financiers demeurent dans l’ombre, les rapports d’activité se font rares, et les critères de répartition des droits restent mystérieux. Quelle transparence peut-on attendre d’un système où les créateurs des provinces se sentent abandonnés, où leurs œuvres semblent tomber dans un puits sans fond ?
Les artistes congolais, ces artisans de la culture nationale, deviennent les otages silencieux de cette guerre d’influence. Combien d’entre eux n’ont jamais perçu le fruit légitime de leur travail ? Combien attendent des années avant de voir ne serait-ce qu’une fraction des droits qui leur reviennent ? La question des droits d’auteur au Congo devient alors une tragédie moderne où les créateurs paient le prix fort de désordres institutionnels.
Le cadre légal lui-même semble participer à cette confusion. L’ordonnance de 2011, l’ancienne loi de 1986, les arrêtés ministériels s’empilent sans pour autant créer la clarté nécessaire. L’application reste lacunaire, les textes se contredisent parfois, et les exploitants – radios, télévisions, salles de spectacle – naviguent dans ce flou avec une certaine désinvolture. L’arrêté 016, censé réguler la collecte et la déclaration, peine à trouver son application concrète.
Au cœur de cette tempête, les dépenses présumées du Président du Conseil d’Administration soulèvent des interrogations légitimes. Les allégations de dilapidation, les primes jugées excessives, les décisions unilatérales créent un climat de défiance qui mine la crédibilité de l’institution. Le manque de contre-pouvoir efficace et l’absence de structures de contrôle indépendantes complètent ce tableau préoccupant de la gestion des droits d’auteur au Congo.
Pourtant, une lueur d’espoir pointe à l’horizon. La ministre de la Culture, Arts et Patrimoine, Yolande Élebe, a initié fin 2024 une réflexion pour diagnostiquer les dysfonctionnements et proposer des réformes structurelles. La révision de l’ordonnance-loi de 1986 s’impose comme une nécessité absolue pour adapter le cadre juridique aux réalités du numérique, du streaming, des plateformes digitales.
La transparence financière, la reddition régulière des comptes, l’implication réelle des artistes dans les décisions, le contrôle strict des dépenses – autant d’impératifs que le clan Bula place au cœur de ses revendications. Mais au-delà des clans et des luttes d’influence, c’est l’avenir de la création congolaise qui se joue dans cette bataille pour les droits d’auteur en RDC.
La culture congolaise, ce joyau de l’identité nationale, mérite mieux que ces guerres intestines. Elle mérite un système de gestion des droits d’auteur digne de sa richesse, équitable pour tous les créateurs, des rives du Congo aux confins du Katanga. Le temps est venu d’écrire une nouvelle partition, harmonieuse celle-là, où chaque artiste trouvera la juste reconnaissance de son talent.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc
