Le marché des changes en République Démocratique du Congo enregistre une évolution notable avec une appréciation du franc congolais de 9,1% face au dollar américain depuis le 19 septembre 2025. Cette performance, saluée par le président Félix Tshisekedi lors du Conseil des ministres, soulève cependant des questions fondamentales sur sa durabilité et son impact réel sur l’économie nationale.
Le Chef de l’État a explicitement félicité le gouvernement et la Banque Centrale du Congo pour ces résultats, y voyant la preuve tangible de l’efficacité des politiques monétaires récemment mises en œuvre. « Cette évolution positive résulte de la conjugaison d’actions volontaristes et des facteurs conjoncturels favorables », a-t-il déclaré, citant notamment la forte demande de monnaie nationale par les banques pour leurs réserves obligatoires et les interventions ciblées de la BCC sur le marché des changes.
Comment cette appréciation s’explique-t-elle concrètement ? Les analyses pointent vers trois mécanismes principaux : la ponction de liquidité opérée par le Trésor public durant les échéances fiscales, les ventes stratégiques de devises par la banque centrale, et le resserrement des conditions de réserves obligatoires pour les établissements bancaires. Ces mesures coordonnées ont créé une tension haussière sur le franc congolais, renforçant temporairement sa position face au billet vert.
Néanmoins, le président Tshisekedi lui-même a tempéré cet optimisme en relevant des « disparités préoccupantes » dans les taux de change pratiqués selon les zones géographiques, particulièrement à Kinshasa. Ces écarts créent des opportunités d’arbitrage qui alimentent la spéculation et fragilisent les équilibres du marché. En conséquence, le gouvernement et la BCC ont reçu instruction de prendre des mesures « immédiates et vigoureuses » pour harmoniser le fonctionnement du marché des changes.
La politique budgétaire devra rester rigoureuse, compatible avec l’objectif de stabilisation, en limitant les pressions inflationnistes et en réduisant drastiquement les risques de dépréciation. Le président plaide pour une approche « plus innovante et structurée » dans la conduite des politiques économiques afin de stimuler une demande accrue du franc congolais et renforcer sa crédibilité.
Mais cette embellie monétaire est-elle perçue de la même manière par tous les acteurs économiques ? L’opposant Delly Sesanga, lors d’un meeting à Matete, a sévèrement critiqué cette baisse « quasi factice » du dollar américain. Le député honoraire de Luiza estime qu’il s’agit de simples supputations tant que les retombées ne sont pas palpables sur le marché. « La baisse de cette devise étrangère n’a pas eu d’effet sur le panier de la ménagère », a-t-il démonté, énumérant plusieurs produits de première nécessité dont les prix n’ont pas bougé.
Du côté des experts économiques, le sénateur Faustin Luanga appelle à la vigilance, considérant que cette appréciation n’est pas le fruit d’une réforme structurelle. « Il est temps de bâtir une économie qui mérite sa monnaie », a-t-il déclaré, soulignant la nécessité de réformes profondes plutôt que d’ajustements conjoncturels.
Quels sont alors les défis à relever pour consolider cette dynamique ? Le gouvernement devra réguler strictement le décaissement des dépenses de sécurité par un mécanisme d’aval hiérarchique, comme recommandé par le président. L’objectif ultime reste de garantir une stabilisation durable du taux de change, protéger le pouvoir d’achat des citoyens et créer les conditions d’une croissance économique inclusive.
Cette situation met en lumière la complexité de la gestion monétaire dans un contexte économique congolais marqué par de multiples défis. L’appréciation récente du franc congolais constitue-t-elle un tournant décisif ou une simple embellie passagère ? La réponse dépendra de la capacité des autorités à transformer ces mesures conjoncturelles en réformes structurelles durables.
Alors que le débat fait rage entre optimistes officiels et sceptiques de l’opposition, une question fondamentale persiste : comment garantir que les progrès sur les marchés financiers se traduisent par des améliorations concrètes dans la vie quotidienne des Congolais ? La crédibilité future des politiques monétaires Congo repose sur cette capacité à concilier stabilisation macroéconomique et développement humain.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd