Dans le paysage culturel congolais, une tempête silencieuse fait rage, érodant les fondements mêmes de la création artistique. La Société Congolaise des Droits d’Auteur et des Droits Voisins (SOCODA) traverse une crise existentielle qui dépasse le simple cadre administratif pour toucher à l’âme même de la création congolaise.
Comment en est-on arrivé à cette situation de bicéphalisme paralysant entre le clan Nyoka, mené par Jossart Nyoka Longo, et le clan Bula, emmené par Blaise Bula ? Cette division structurelle crée une confusion préjudiciable pour les artistes qui voient leurs royalties s’évaporer dans les méandres d’une gestion collective défaillante.
La répartition des droits d’auteur en RDC ressemble à un puzzle incomplet où certaines provinces comme Kinshasa, le Haut-Katanga et le Kongo-Central parviennent à récupérer une partie de leur dû, tandis que d’autres comme le Sud-Kivu et la Tshopo attendent dans un silence frustré. L’opération de répartition pour le deuxième semestre 2022, lancée seulement en mai-juin 2024, illustre ce décalage temporel insoutenable entre la création et sa juste rémunération.
Les artistes congolais, véritables ambassadeurs culturels de la nation, se retrouvent pris en étau entre ces deux légitimités concurrentes. Chaque clan s’appuie sur des arrêtés ministériels, des décisions judiciaires contradictoires, créant un brouillard institutionnel où même les exploitants ne savent plus à qui verser les droits. La persistance de références à la SONECA, pourtant formellement abrogée, ajoute une couche supplémentaire de complexité à ce déjà épineux dossier des droits d’auteur RDC.
Les tentatives de réforme se succèdent sans véritablement apporter de solution durable. Catherine Kathungu Furaha, puis Yolande Elebe Ma Ndembo, se sont successivement attelées à cette mission périlleuse. La commission spéciale créée en décembre 2024 représentait un espoir concret de résolution du conflit SOCODA. Rassemblant l’ensemble des parties prenantes, y compris des représentants de la présidence et de la CISAC, elle devait proposer un cadre légal rénové pour la gestion collective des droits d’auteur.
Mais l’échec de cet accord, signé sous réserve par l’une des parties puis laissé en suspens, souligne la profondeur des divergences. La décision du gouvernement de créer un organisme public de gestion collective marque-t-elle un tournant décisif ou simplement un nouvel épisode dans cette interminable saga ?
Au-delà des batailles de pouvoir, ce sont des vies d’artistes qui se jouent dans cette crise des droits d’auteur. Les rares succès, comme la distribution enfin effective des royalties dans le Lualaba en mars 2025, apparaissent comme des oasis dans un désert d’incertitude. Ces moments de grâce ne doivent pas masquer la précarité persistante de nombreux créateurs congolais.
La question fondamentale demeure : comment reconstruire la confiance entre artistes et gestionnaires ? La transparence dans la collecte et la redistribution des royalties, l’équité territoriale dans la répartition, et la clarification du cadre juridique constituent les piliers indispensables à toute réforme réussie.
Le patrimoine culturel congolais, riche et diversifié, mérite mieux que ces guerres d’influence qui entravent son développement. Les artistes congolais royalties représentent l’avenir de cette culture vivante qui rayonne bien au-delà des frontières nationales. Leur protection effective passe nécessairement par une refonte en profondeur du système de gestion collective des droits d’auteur.
Alors que le gouvernement envisage la création d’un organisme public, la communauté artistique retient son souffle, espérant que cette fois-ci, les paroles se transformeront en actes concrets. L’enjeu dépasse la simple question administrative : il s’agit de préserver la vitalité de la création congolaise pour les générations futures.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc