La rentrée parlementaire du Kongo Central s’annonce sous de tumultueux auspices alors qu’une majorité de députés provinciaux brandit l’étendard de la révolte contre le bureau dirigé par Papy Mantezolo Diatezua. Avec 23 signatures recueillies sur 38 élus, la pétition exigeant le départ du président et de son vice-président de l’Assemblée provinciale représente bien plus qu’un simple mouvement d’humeur : elle incarne la fracture institutionnelle qui mine cette institution clé de la gouvernance congolaise.
Les griefs articulés par les députés dissidents tracent un tableau accablant des pratiques de gouvernance au sein de l’assemblée provinciale. L’entrave systématique aux initiatives parlementaires, les violations répétées des règles de passation des marchés publics, et surtout les présomptions de détournement de fonds dans l’acquisition des véhicules de fonction des députés forment la colonne vertébrale de cette fronde parlementaire. La construction du nouveau bâtiment de l’Assemblée Provinciale apparaît également comme un autre point névralgique dans cette crise de confiance institutionnelle.
Omega Mbadu, député provincial et questeur honoraire de l’Assemblée, livre une analyse cinglante de la situation : « La stabilité ne veut pas dire qu’il faut tolérer la corruption, il faut tolérer le détournement, il faut tolérer l’instrumentalisation même de l’Assemblée provinciale ». Cette déclaration sonne comme un réquisitoire implacable contre un système où la transparence aurait cédé la place à l’opacité la plus totale.
La question fondamentale qui se pose est celle de l’opportunité d’une telle crise institutionnelle dans un contexte national déjà fragilisé par l’agression rwandaise et l’instabilité dans l’Est du pays. Les partisans de la motion répondent par une argumentation imparable : peut-on véritablement parler de stabilité quand les textes sont bafoués, quand la bonne gouvernance n’est qu’un vain mot, et quand les députés se retrouvent réduits au silence ?
L’initiative portée par le député Muntu Lezi (Udps/Tshisekedi) révèle une fracture politique qui dépasse les simples clivages partisans. Cette pétition des députés Kongo Central cristallise un malaise profond au sein de l’institution provinciale, où la délégation de pouvoir au vice-président chargé des actions parlementaires aurait été détournée de sa vocation originelle.
Le timing de cette crise n’est certainement pas anodin. Alors que la Première ministre Judith Suminwa entame une itinérance de travail dans la province, et que le gouvernement central multiplie les initiatives pour renforcer la cohésion entre institutions provinciales, l’Assemblée du Kongo Central donne l’image d’une maison divisée contre elle-même. Les ateliers sur les mécanismes de fonctionnement et de stabilisation des institutions provinciales organisés début septembre par le ministère de l’Intérieur semblent n’avoir produit que des effets limités face à des pratiques ancrées.
Cette situation pose avec acuité la question de l’équilibre des pouvoirs au sein des provinces congolaises. Jusqu’où peut aller la concentration du pouvoir entre les mains du bureau d’une assemblée provinciale ? Quelle marge de manœuvre réelle reste-t-elle aux élus du peuple quand leurs initiatives sont systématiquement entravées ? La crise qui secoue l’Assemblée provinciale du Kongo Central dépasse ainsi le simple cadre local pour interroger l’ensemble du modèle de gouvernance décentralisée en RDC.
Le détournement des fonds publics alloués à l’Assemblée provinciale, s’il venait à être confirmé, représenterait une entrave majeure au développement de la province. Comment justifier de telles pratiques dans un contexte où les populations attendent des élus qu’ils œuvrent pour l’amélioration de leurs conditions de vie ? La légitimité même de l’institution parlementaire provinciale se trouve ici mise en cause.
La suite des événements s’annonce déterminante pour l’avenir politique du Kongo Central. Le président Papy Mantezolo Diatezua parviendra-t-il à contenir cette fronde parlementaire, ou assiste-t-on aux prémisses d’un changement majeur dans la gouvernance de cette province stratégique ? La réponse se jouera dans les prochains jours, au moment où les députés reprendront le chemin de l’hémicycle, porteurs d’une légitimité populaire qu’ils entendent visiblement faire valoir contre les pratiques qu’ils dénoncent.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd