Le gouvernement congolais vient d’opérer un virage stratégique inédit dans la gestion du chaos routier kinois. En déployant les militaires des FARDC aux côtés de la Police de circulation routière, le pouvoir exécutif mise sur la force dissuasive de l’armée pour résoudre l’épineuse question des embouteillages chroniques qui paralysent Kinshasa. Cette décision, prise en Conseil des ministres le 19 septembre sur instructions présidentielles, révèle-t-elle une volonté réelle de transformation ou simplement un coup d’éclat médiatique ?
La mesure, officiellement présentée comme une solution d’urgence pour fluidifier la circulation dans la capitale, soulève des interrogations fondamentales sur la capacité de l’État à traiter les problèmes structurels par des réponses conjoncturelles. Le déploiement militaire dans la régulation routière constitue-t-il une approche novatrice ou un aveu d’échec des institutions traditionnellement dédiées à cette mission ?
Les observateurs avertis pointent du doigt le caractère temporaire de cette initiative. « Conjoncturellement, ça peut permettre de dégager les routes, mais dans le fond, le déploiement des militaires ne résoudra pas durablement le problème », analyse un expert du secteur. Cette position reflète un scepticisme largement partagé quant à l’efficacité réelle de mesures essentiellement sécuritaires face à des défis d’aménagement urbain.
La question des dérapages potentiels hante les défenseurs des droits humains. Dismas Kitenge, président du Groupe Lotus, alerte sur les risques d’abus : « L’armée peut instaurer une certaine discipline, mais il faut craindre des abus. Les militaires pourraient eux-mêmes créer des embouteillages, des tracasseries, voire des scènes de violence ». Ces craintes légitimes interrogent la pertinence du recours à la force militaire pour des missions civiles de régulation.
La chercheuse Stéphanie Wolters souligne l’absurdité de la situation actuelle : « Faire cinq heures pour parcourir cinq kilomètres, c’est grave. Le problème, c’est qu’il y a trop de voitures et trop peu de routes ». Cette analyse met en lumière l’inadéquation criante entre l’offre infrastructurelle et la demande de mobilité dans une capitale en pleine expansion démographique.
Le gouvernement congolais joue donc un pari risqué avec ce déploiement militaire. Si l’opération échoue à produire des résultats tangibles, elle pourrait se retourner contre ses initiateurs, renforçant l’image d’une administration incapable de penser les solutions durables. Les mesures gouvernementales en RDC en matière de transport seront-elles enfin à la hauteur des enjeux ?
La sécurité routière dans la capitale congolaise nécessite des réponses plus profondes que le simple déploiement de militaires. Les spécialistes plaident pour une approche intégrée combinant désengorgement urbain, construction de nouvelles voies et meilleure planification territoriale. Le déploiement des FARDC dans la régulation routière représente-t-il le prélude à une refonte plus ambitieuse des politiques de mobilité ou simplement un pansement sur une jambe de bois ?
Alors que Kinshasa continue de s’enliser dans les embouteillages monstres, la crédibilité des autorités se joue dans leur capacité à transformer cette mesure d’urgence en véritable politique publique. Les prochaines semaines révèleront si le déploiement militaire constitue une solution innovante ou simplement un cache-misère de plus. La régulation du trafic à Kinshasa mérite-t-elle vraiment la présence des forces armées ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de la mobilité urbaine en République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net