L’échiquier politique congolais vient de livrer une nouvelle leçon de realpolitik dont Crispin Mbindule fait les frais. Porté aux nues il y a quelques jours pour avoir obtenu la démission de Vital Kamerhe de la présidence de l’Assemblée nationale, le chef de file des pétitionnaires se retrouve aujourd’hui dans un isolement calculé, victime de la même mécanique implacable qu’il avait contribué à enclencher.
La validation inattendue du rapport de la Commission spéciale par l’Union Sacrée de la Nation marque un tournant décisif dans cette crise politique congolaise. En épargnant définitivement les trois autres membres du Bureau visés par la procédure de déchéance, la majorité présidentielle envoie un message sans équivoque : la purge a atteint ses limites et Mbindule a rempli son rôle. Le député s’était pourtant imaginé en réformateur, mais la machine politique en a décidé autrement.
Comment expliquer ce revirement spectaculaire ? L’analyse des rapports de force au sein de l’Assemblée nationale RDC révèle une stratégie mûrement réfléchie. Les démissions de Vital Kamerhe et de Dominique Munongo constituaient le prix à payer pour apaiser les tensions, mais certainement pas le prélude à une refonte complète du Bureau. L’Union Sacrée a habilement utilisé la procédure des pétitions comme régulateur de crise, sans pour autant remettre en cause l’équilibre des pouvoirs au sein de l’institution.
La colère de Crispin Mbindule traduit l’amertume de celui qui découvre les règles non écrites du jeu politique. Ses accusations publiques contre Peter Kazadi, président de la Commission spéciale, et Jean-Claude Tshilumbayi, président intérimaire de l’Assemblée nationale, révèlent la profondeur de son sentiment de trahison. « Ils m’ont utilisé puis jeté comme un kleenex », pourrait-il affirmer, résumant ainsi le cynisme d’un système où les exécutants deviennent souvent les premières victimes.
La crise politique congolaise trouve ici une de ses expressions les plus abouties : une majorité qui se purge elle-même selon des logiques insaisissables, où les principes affichés cèdent le pas aux nécessités du moment. L’Union Sacrée RDC démontre sa maîtrise de l’art du dosage entre concessions apparentes et préservation des équilibres internes. La démission de Vital Kamerhe apparaît désormais comme une variable d’ajustement plutôt que comme l’aboutissement d’un processus vertueux de contrôle parlementaire.
Quelles perspectives pour Crispin Mbindule après cette mise à l’écart ? Ses promesses de revanche sonnent aujourd’hui comme un ultime sursaut d’orgueil blessé. La réalité est plus cruelle : dans l’économie générale de cette crise, son rôle s’arrête là où commence celui des négociateurs. L’heure n’est plus aux purges mais aux recompositions, et la question centrale devient désormais : qui succédera à Vital Kamerhe au perchoir ?
Cette affaire soulève des interrogations fondamentales sur la nature du pouvoir au sein de l’Assemblée nationale congolaise. Jusqu’où peut aller le contrôle parlementaire dans un système où les majorités fonctionnent selon des logiques claniques ? La démission Vital Kamerhe constituait-elle vraiment une victoire pour la transparence ou simplement un réaménagement tactique ? Les députés pétitionnaires ont-ils été manipulés dès le départ ou ont-ils sous-estimé la capacité de résilience du système ?
L’épilogue de cette crise révèle les limites structurelles du parlementarisme congolais. L’Assemblée nationale RDC reste un théâtre où se jouent des luttes d’influence bien plus que des batailles idéologiques. Crispin Mbindule l’apprend à ses dépens : on peut être l’instrument d’une purge sans en maîtriser les conséquences, et celui qui brandit l’épée risque toujours de finir sur le billot.
La prochaine étape de cette séquence politique s’annonce tout aussi déterminante. L’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale constituera le véritable test de cohésion pour l’Union Sacrée. Les différents courants devront trouver un équilibre entre légitimité démocratique et calculs politiciens, entre ouverture apparente et contrôle renforcé. Dans ce contexte, le sort de Crispin Mbindule pourrait bien préfigurer celui d’autres acteurs politiques trop pressés de croire à leurs propres victoires.
La leçon est sévère mais édifiante : dans l’arène politique congolaise, les triomphes éphémères cachent souvent des chutes annoncées. Crispin Mbindule, hier encore chantre de la moralisation, découvre aujourd’hui le prix de l’ingénuité politique. Son cas rappelle que les révolutions parlementaires se font rarement contre le système, mais le plus souvent avec son assentiment calculé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
