La forêt congolaise saigne en silence. Dans le village Mukwija, à Mungazi, des mains anonymes s’acharnent sur de jeunes plants d’eucalyptus destinés à protéger les sols contre l’érosion. Ces arbres, à peine âgés d’un an, tombent sous les coupes clandestines au crépuscule, détournés de leur mission écologique pour finir en poutres de construction. Une aberration environnementale qui menace directement l’équilibre fragile du territoire de Kalehe, déjà victime d’une déforestation accélérée.
Comment expliquer ce saccage organisé? Les plantules, mises en terre par diverses organisations dont la FAO et des ONG locales, représentaient un rempart contre la dégradation des sols. Leur destruction systématique ouvre la voie à une érosion galopante dans cette région du Sud-Kivu, pourtant classée parmi les plus vulnérables aux glissements de terrain. «Ces coupes compromettent des années d’efforts et exposent nos populations à des dangers immédiats», alerte Benjamin Mungazi, acteur de la société civile locale.
La situation rappelle amèrement la tragédie de 2023 où plus de 500 personnes ont péri dans les inondations de Nyamukubi et Bushushu. Les experts s’accordent sur un point: un reboisement structuré aurait pu atténuer l’impact de cette catastrophe. Aujourd’hui, la répétition de ces coupes d’eucalyptus à Kalehe fait craindre le pire. Les sols, privés de leurs racines stabilisatrices, deviennent une poudrière écologique lors des saisons pluvieuses.
Le paradoxe est saisissant: ceux-là mêmes qui devraient protéger ces arbres les sacrifient pour des besoins immédiats de construction. Une vision à courte vue qui ignore les conséquences à long terme sur l’environnement et la sécurité des communautés. La protection environnementale en RDC passe pourtant par ce type d’initiatives de reboisement au Sud-Kivu, où chaque arbre planté représente un rempart contre l’érosion.
Les organisations environnementales tirent la sonnette d’alarme. Leur travail de sensibilisation auprès des communautés locales semble insuffisant face à l’urgence des besoins en habitat. Faut-il renforcer la surveillance? Impliquer davantage les autorités traditionnelles? La question mérite d’être posée alors que la déforestation à Kalehe prend des proportions inquiétantes.
La solution réside peut-être dans une approche intégrée, combinant reboisement et alternatives durables pour les matériaux de construction. Des programmes qui permettraient aux populations de bénéficier des ressources sans compromettre l’équilibre écologique. Car sans une action concertée, c’est tout l’écosystème régional qui risque de basculer.
La forêt congolaise, poumon de l’Afrique, mérite mieux que ce cycle infernal de destruction. Chaque eucalyptus abattu à Mungazi représente un pas de plus vers l’asphyxie des sols et l’aggravation des risques naturels. Il est temps que la protection de l’environnement devienne une priorité absolue, avant que la nature ne présente à nouveau sa facture, toujours plus lourde et plus douloureuse.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net