Ce jeudi 25 septembre, Kinshasa a été le théâtre d’un forum rassemblant experts, acteurs politiques et membres de la société civile autour d’une question brûlante : le renforcement du pouvoir coutumier dans la bataille contre la corruption en République Démocratique du Congo. Cette initiative, organisée par Ebuteli en collaboration avec Afriwatch et le consortium « Le Congo n’est pas à vendre », visait à débattre des conclusions de recherches approfondies sur les liens entre autorités traditionnelles, politique et corruptions. Les participants ont unanimement souligné l’urgence de redonner aux chefs coutumiers leur légitimité perdue, fragilisée par des années d’ingérence politique.
Les recommandations issues de cette rencontre pointent vers une implication accrue des autorités traditionnelles dans la lutte contre la corruption. Cependant, cette ambition se heurte à une réalité criante : la déstabilisation systématique du pouvoir coutumier par les autorités politiques. Sa Majesté Mfumu Difima n’a pas mâché ses mots, attribuant cette fragilisation à la précarité sociale des chefs, souvent réduits à l’état de satellites des partis politiques. « Comment espérer que ces gardiens des valeurs ancestrales résistent à la corruption lorsqu’ils sont inféodés à des agendas électoraux ? », s’interroge implicitement l’assemblée. Cette critique voilée met en lumière un paradoxe : les chefs coutumiers, censés incarner la stabilité, sont devenus des pions dans un jeu politique où la corruption prospère.
Parmi les pistes proposées, la mise en place d’une commission de censure chargée de protéger l’identité culturelle congolaise a été plaidée avec force. Jolino Malukisa, directeur du pilier Gouvernance à Ebuteli, a enfoncé le clou en recommandant que l’État accorde des avantages matériels aux chefs coutumiers pour les prémunir contre la corruption. « Offrir des conditions de vie décentes à ces autorités traditionnelles est un impératif si l’on veut qu’elles retrouvent leur indépendance », a-t-il affirmé. Cette approche pragmatique soulève une question fondamentale : jusqu’où l’État est-il prêt à aller pour sanctuariser le pouvoir coutumier ? La réponse semble liée à la volonté politique de rompre avec des pratiques clientélistes qui ont longtemps miné la crédibilité des institutions.
Dans le contexte électoral actuel, la politisation des chefs coutumiers atteint des sommets inquiétants. Loin de leur rôle apolitique originel, ils sont désormais perçus comme des courroies de transmission électorale, mobilisant les communautés au profit des candidats. Ebuteli, dans ses recherches, note que cette instrumentalisation dépasse le cadre des urnes ; elle s’étend aux conflits locaux, qu’ils soient fonciers ou communautaires. Les lotissements anarchiques et l’exploitation des ressources naturelles deviennent ainsi le terrain de luttes de pouvoir où les autorités traditionnelles sont tiraillées entre intérêts étatiques et pressions non-étatiques. Cette situation n’est-elle pas le reflet d’une gouvernance en crise, où la corruption s’enracine dans les failles institutionnelles ?
Le forum de Kinshasa sur la corruption a donc mis en exergue l’impérieuse nécessité de réformer le statut des autorités traditionnelles. Pour que la lutte contre la corruption porte ses fruits, il faut que les chefs coutumiers retrouvent leur dignité et leur autonomie. Les prochains mois, marqués par des échéances électorales cruciales, seront un test pour la mise en œuvre de ces recommandations. Si l’État ignore cet appel, ne risque-t-il pas de voir s’effriter davantage la confiance des populations envers toutes les formes d’autorité ? L’enjeu est de taille : préserver l’âme culturelle du Congo tout en assainissant sa vie publique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net