Les rues de Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, ont connu jeudi 25 septembre une atmosphère particulièrement tendue. Des centaines de taximen motos ont paralysé plusieurs artères principales de la ville pour exprimer leur colère contre une décision de la Police de circulation routière (PCR). La mesure qui crispe les esprits ? L’obligation du port du casque et du gilet de sécurité.
« Nous qui avons déjà acheté ces casques et gilets, les autres motards ne sont pas contents. Si l’on te voit porter le casque et le gilet, tu es agressé, on te les arrache ou on les détruit. Du coup, nous avons du mal à les porter », témoigne Luanzo Kalemba, l’un des taximen motos. Cette confession révèle une fracture inquiétante au sein même de la communauté des motards, entre ceux qui acceptent la mesure et ceux qui la rejettent catégoriquement.
Comment une mesure de sécurité peut-elle créer autant de divisions ? La réponse se trouve peut-être dans le prix fixé à 20 dollars pour se procurer ces équipements de protection. Une somme considérée comme exorbitante par de nombreux conducteurs qui survivent au quotidien dans une économie précaire. « Avec 20 dollars, je peux nourrir ma famille pendant plusieurs jours. La police veut notre sécurité, mais qui va assurer notre sécurité alimentaire ? », s’interroge un motard sous couvert d’anonymat.
Face à cette protestation des taximen motos à Bunia, les forces de l’ordre tentent de justifier leur position. Le commandant de la PCR à Bunia, commissaire supérieur Ndorolire Asimwe, explique : « Nous avons mené de nombreuses campagnes de sensibilisation sur le port obligatoire du casque, qui vise uniquement à les protéger. Concernant le gilet, avec la recrudescence des actes criminels dans la ville ces derniers jours, il est parfois difficile d’identifier les malfrats. Chaque gilet porte un numéro, ce qui facilite désormais l’identification des motards. »
Cette tension sociale à Bunia dépasse le simple cadre de la circulation routière. Elle met en lumière les difficultés d’application des lois dans un contexte où la population peine à joindre les deux bouts. Les autorités parlent de sécurité, les motards évoquent la survie économique. Entre ces deux réalités, la ville vit au rythme des interpellations et des saisies de motos, alimentant un peu plus le climat de défiance.
La situation actuelle dans cette ville de l’Ituri interroge sur l’équilibre entre l’application des règles de sécurité routière en RDC et la prise en compte des réalités socio-économiques des populations. Le port obligatoire du casque à Ituri serait-il perçu différemment si son coût était plus accessible ? La question mérite d’être posée alors que les rues de Bunia restent le théâtre d’une confrontation entre une mesure présentée comme salutaire et une population qui craint de voir ses moyens de subsistance compromis.
Cette crise des taximen motos à Bunia illustre les défis de gouvernance auxquels font face de nombreuses villes congolaises. Comment concilier modernisation des infrastructures, sécurité des citoyens et viabilité économique des activités informelles qui font vivre des milliers de familles ? La réponse à cette question déterminera peut-être l’issue de ce conflit qui, pour l’instant, ne semble pas près de trouver une solution durable.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net