La scène politique congolaise traverse une période de turbulences dont les échos ont résonné jusqu’à New York, où le président Félix-Antoine Tshisekedi a été contraint de se prononcer sur les remous institutionnels qui agitent l’Assemblée nationale. Lors d’un déjeuner de presse tenu ce lundi 23 septembre, le chef de l’État a livré sa version des événements entourant la démission de Vital Kamerhe du bureau de la Chambre basse, un épisode qui soulève des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs dans la jeune démocratie congolaise.
« Je ne suis pas à l’origine de la démission de Vital Kamerhe ni de ses problèmes », a déclaré le président Tshisekedi avec une certaine forme de détachement. Cette prise de position intervient alors que les observateurs politiques s’interrogent sur la cohérence de l’alliance Tshisekedi-Kamerhe, pierre angulaire de la majorité présidentielle. Le chef de l’État a-t-il véritablement les mains liées face à cette crise parlementaire, ou assiste-t-on à une stratégie plus subtile de distanciation contrôlée ?
La déclaration new-yorkaise du président congolais révèle une approche institutionnelle rigoriste, presque légaliste, face aux pétitions visant cinq membres du bureau de l’Assemblée nationale. En qualifiant ces initiatives de « questions internes à l’institution », Tshisekedi esquisse les limites de son pouvoir d’intervention tout en affirmant son rôle de « garant de la stabilité des institutions ». Cette position crée un paradoxe intéressant : comment garantir la stabilité sans s’immiscer dans le fonctionnement des institutions ?
Le timing de la démission de Vital Kamerhe, survenue la veille des déclarations présidentielles, mérite une analyse approfondie. Le lundi 22 septembre, alors que la plénière devait examiner le rapport de la commission spéciale sur les pétitions, l’ancien président de l’Assemblée nationale a choisi de jeter l’éponge. Ce geste intervient-il comme un aveu d’impuissance face aux manoeuvres internes, ou constitue-t-il une retraite stratégique en attendant des jours meilleurs ?
La réunion interinstitutionnelle convoquée quelques jours avant la rentrée parlementaire démontre que le président Tshisekedi avait anticipé les risques de turbulence. Son appel à une « rentrée parlementaire sereine » contraste singulièrement avec l’onde de choc provoquée par les pétitions contre le bureau. Cette divergence entre les intentions présidentielles et la réalité du terrain interroge sur l’efficacité des mécanismes de régulation des crises politiques en République Démocratique du Congo.
L’affirmation selon laquelle Vital Kamerhe demeure un « allié » et un « frère » sonne-t-elle comme une profession de foi sincère ou comme une formule de convenance politique ? Dans l’arène politique congolaise, où les alliances sont aussi mouvantes que stratégiques, cette déclaration pourrait cacher des réalités plus complexes. Le président joue-t-il la carte de la modération pour mieux préparer sa prochaine manœuvre ?
La crise actuelle à l’Assemblée nationale représente un test crucial pour la gouvernance de Félix-Antoine Tshisekedi. Sa capacité à naviguer entre le respect de l’autonomie parlementaire et la préservation de sa majorité présidentielle définira en grande partie la suite de son mandat. Les prochaines semaines révèleront si cette approche hands-off constitune une sagesse politique ou une dangereuse passivité.
Alors que la République Démocratique du Congo continue sa laborieuse consolidation démocratique, cet épisode illustre les défis de la séparation des pouvoirs dans un contexte post-transition. La manière dont les institutions congolaises surmonteront cette épreuve pourrait établir un précédent déterminant pour l’avenir politique du pays. La balle est désormais dans le camp des parlementaires, mais le président Tshisekedi devra rapidement démontrer qu’il maîtrise encore les règles du jeu politique qu’il a contribué à établir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net