Dans le paysage diplomatique tourmenté de l’Est congolais, la signature récente d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda sous l’égide américaine devait marquer un tournant décisif. Pourtant, force est de constater que les beaux principes énoncés à Washington peinent à se concrétiser sur le terrain. Le processus de Doha, parallèlement engagé sous médiation qatarie, semble quant à lui s’enliser dans des querelles byzantines, laissant planer le spectre d’un échec diplomatique aux conséquences potentiellement désastreuses.
Comment expliquer ce blocage persistant alors que les enjeux sécuritaires exigent une réponse urgente? La médiation américaine, portée par l’administration Trump via son conseiller Afrique Massad Boulos, se heurte à des réalités politiques complexes que les signatures protocolaires ne suffisent pas à résoudre. Les accusations mutuelles de violations du cessez-le-feu continuent d’alimenter un climat de défiance qui mine les fondements mêmes de l’accord.
La rébellion de l’AFC/M23, par la voix de son coordonnateur politique Corneille Nangaa, exprime des réserves substantielles sur l’approche américaine. Dans une conférence tenue à Goma, Nangaa a fustigé ce qu’il perçoit comme une instrumentalisation économique du conflit: «Trump c’est le Président américain que tout le monde semble craindre, il a sa méthode, son approche, est-ce que c’est lui ou bien ce sont plutôt ses conseillers qui voient que le dossier congolais est une opportunité de business?»
Cette critique acerbe soulève une question fondamentale: la médiation internationale privilégie-t-elle les intérêts économiques au détriment des causes structurelles du conflit? Pour l’AFC/M23, la crise dépasse largement la simple question minière pour toucher à des problématiques identitaires et de gouvernance. Nangaa insiste: «Même s’il prenait tout le Congo, vous aurez toujours des congolais qui diront nous on a tel problème. Donc ça ne résout aucun problème».
Le calendrier diplomatique semble pourtant s’emballer tandis que la situation sécuritaire se dégrade. Le chronogramme de la déclaration de principes signée à Doha prévoyait la reprise des discussions sur un accord de paix global dès le 8 août 2025, avec signature prévue le 17 août. Or, ces échéances approchent à grands pas sans que les mesures de confiance indispensables ne se matérialisent.
L’occupation des villes de Goma et Bukavu par l’AFC/M23, soutenue selon Kinshasa par le Rwanda, crée un rapport de force défavorable à la négociation. La rébellion affiche sa détermination à ne plus «vivre en exil» et revendique sa légitimité sur les territoires contrôlés. Cette posture inflexible complique singulièrement la tâche des médiateurs américains et qatariens.
La destruction des institutions étatiques congolaises, dénoncée par l’AFC/M23, ajoute une couche de complexité au conflit. Quand Nangaa affirme que «Tshisekedi a détruit les FARDC ce n’est plus une armée, Tshisekedi a détruit la justice», il pointe du doigt une crise de gouvernance qui dépasse le cadre strict du conflit armé. La communauté internationale peut-elle ignorer ces réalités politiques internes dans sa recherche de solutions?
L’administration Trump joue-t-elle son crédit diplomatique dans ce dossier congolais? La méthode américaine, oscillant entre pression économique et médiation traditionnelle, montre ses limites face à un conflit aux racines historiques profondes. La question des minerais de l’Est congolais, souvent présentée comme le cœur du problème, ne saurait résumer à elle seule la complexité des enjeux.
Alors que le processus de Doha piétine et que l’accord de Washington tarde à produire ses effets, la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC risque de s’enliser dans une impasse dangereuse. La médiation américaine parviendra-t-elle à dépasser les suspicions mutuelles et les calculs économiques pour apporter une solution durable? L’échec serait lourd de conséquences pour une région déjà meurtrie par des décennies de conflits.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd