La République Démocratique du Congo envisage une émission d’eurobond sur les marchés internationaux, une opération financière complexe qui soulève d’importantes questions sur sa faisabilité. L’analyse des données macroéconomiques disponibles révèle plusieurs facteurs de risque objectifs qui pourraient compromettre le succès de cette initiative.
Le premier défi réside dans la structure fiscale du pays. Avec des recettes fiscales représentant seulement 12,5% du PIB en 2022 et des recettes totales atteignant à peine 14,3% du PIB en 2023, la RDC dispose d’une marge de manœuvre budgétaire limitée pour assurer le service d’une dette supplémentaire libellée en devises étrangères. Cette faible capacité de mobilisation des ressources internes constitue un signal d’alarme pour les investisseurs institutionnels, traditionnellement prudents face aux émissions souveraines des pays aux bases fiscales étroites.
La dépendance quasi exclusive aux revenus miniers représente un deuxième écueil majeur. Le secteur extractif génère plus de 90% des exportations nationales et environ 46% des recettes fiscales, avec une concentration particulièrement forte sur le cobalt dont la RDC assure plus de 70% de la production mondiale. Cette mono-dépendance expose les finances publiques aux aléas des cours internationaux des matières premières, créant une volatilité incompatible avec la stabilité requise pour le service régulier d’une dette souveraine.
La question de la gouvernance et de la transparence constitue un troisième obstacle de taille. Les indicateurs internationaux pointent systématiquement les faiblesses institutionnelles et les niveaux élevés de corruption, particulièrement dans le secteur minier où opacité contractuelle et risques de mauvaise gestion persistent. Comment les investisseurs internationaux pourraient-ils souscrire massivement à un eurobond congolais sans garanties solides sur l’utilisation des fonds levés ?
Enfin, la dépendance structurelle aux financements multilatéraux, notamment ceux du FMI, envoie un message mitigé aux marchés. Si ces arrangements procurent une bouffée d’oxygène financière immédiate, ils signalent également l’incapacité du pays à mobiliser des ressources sur les marchés classiques sans garanties internationales. Les investisseurs pourraient ainsi préférer attendre un cadre institutionnel plus robuste avant de s’engager.
Le risque de change, bien que non explicitement mentionné dans l’analyse technique, pèse lourdement sur toute opération libellée en devises. Toute dépréciation du franc congolais augmenterait mécaniquement le fardeau de la dette, créant un cercle vicieux potentiellement dangereux pour l’équilibre des finances publiques.
Quelles perspectives pour une émission d’eurobond RDC dans ce contexte ? La réponse des marchés dépendra de la capacité des autorités à apporter des garanties crédibles sur plusieurs fronts : diversification des sources de revenus, amélioration de la gouvernance, et mise en place de mécanismes de transparence irréprochables. Sans ces progrès substantiels, l’accès aux marchés internationaux de la dette risque de rester conditionné à des garanties multilatérales, limitant ainsi l’autonomie financière tant recherchée par Kinshasa.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd