Rarement la République démocratique du Congo n’a frôlé une telle ligne rouge. En une semaine, toutes les alarmes ont retenti : 5,9 millions de déplacés selon l’ONU, nouvelles exécutions de civils par le M23 et alliances rebelles, armement de civils, flambée du choléra, routes économiques bloquées, rentrée scolaire menacée, pénurie de carburant à Bukavu. L’Est du pays sombre dans un enchevêtrement de crises sécuritaire, humanitaire et sociale. Pourtant, l’État comme la communauté internationale peinent toujours à dépasser les discours pour protéger la vie et la dignité humaine.
La RDC traverse une séquence d’une gravité inédite. À Ikobo (Walikale), les rebelles AFC/M23 distribuent désormais des armes à des civils, aggravant le chaos et sapant toute perspective de dialogue ou de cohésion. Les récents rapports Human Rights Watch et Amnesty International documentent plus de 140 exécutions ciblées, des viols et déplacements massifs. Les États-Unis et l’ONU montent le ton, condamnent, mais sur le terrain, l’enfer continue : à Beni, routes et aide humanitaire sont bloquées ; à Rutshuru et Masisi, la terreur rebelle implante un ordre parallèle.
La gravité de la crise ne relève plus du simple cycle conflit/négociation mais d’un échec global de gouvernance. La diplomatie régionale, qu’elle se nomme Doha, SADC ou Union africaine, semble enfermée dans l’attentisme, incapable d’imposer la moindre désescalade. Pendant ce temps, la société civile appelle à des interventions civiles et à la libération des territoires, les humanitaires alertent sur les obstacles administratifs à leur action et les épidémies progressent : la province de Maï-Ndombe annonce 91,8 % de guérisons contre le choléra, mais ailleurs, l’eau manque (Ituri, Nord-Kivu), l’accès aux soins s’effondre.
Ce désastre humanitaire se double d’une crise sociale majeure. À la veille de la rentrée, enseignants, élèves et parents sont pris en étau : salaires impayés, écoles détruites en zone rebelle, inflation des fournitures, boycott des uniformes locaux, pénurie de carburant entravant transports et accès à la nourriture. À Bukavu comme à Ituri, la paralysie économique menace toute perspective de reprise malgré l’annonce d’eurobonds ou de plans budgétaires. Le tissu social résiste tant bien que mal : dons de sang, initiatives locales pour les déplacés, mobilisation des femmes et de la jeunesse face à la violence.
Face à l’épaisseur du drame, la réaction politique demeure trop souvent symbolique. Le président Tshisekedi exige des résultats pour la rentrée scolaire, la justice annonce des réformes, mais les réponses concrètes tardent, tandis que la frustration citoyenne explose (grèves d’administrateurs, protestations enseignants, familles des victimes en quête de justice).
Cette semaine, le Congo a touché l’un de ses seuils critiques. Il est illusoire de croire que le dialogue de Doha ou les sommets diplomatiques suffiront à résoudre la crise si la gouvernance nationale, la solidarité citoyenne et la mobilisation internationale n’opèrent pas un sursaut sans précédent : sécurité effective des populations, libération des axes économiques, protection des droits humains, relance des écoles et aide humanitaire sans entraves. La RDC a montré dans son histoire une exceptionnelle résilience. Refusons d’en faire un pays condamné à l’impuissance face à la terreur et à la misère. L’appel à l’action s’adresse à nous tous, société civile, décideurs et partenaires, pour que notre voix et nos actes arrachent enfin le Congo des griffes du chaos.
— La Rédaction de CongoQuotidien