Le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a élevé la voix avec une fermeté inhabituelle pour dénoncer les massacres perpétrés en juillet dernier dans le territoire de Rutshuru. Documentées par Human Rights Watch, ces exactions attribuées à l’AFC/M23 auraient coûté la vie à plus de 140 civils hutu près du parc national des Virunga. Le célèbre gynécologue congolais a réitéré son appel à l’Union européenne pour l’adoption de sanctions ciblées contre la hiérarchie politique et militaire responsable de ces crimes qualifiés de « graves ».
Dans une déclaration rendue publique, le docteur Mukwege a certifié la fiabilité des sources utilisées par Human Rights Watch et Amnesty International pour leurs rapports respectifs. Il a interpellé la communauté internationale, l’exhortant à ne plus ignorer la tragédie récemment documentée par la société civile et les Nations Unies. Comment peut-on rester silencieux face à de telles atrocités ?
L’ancien candidat à la présidentielle compare ces crimes à ceux commis entre 1996 et 1997 contre les Hutu, répertoriés dans le célèbre rapport Mapping. Cette comparaison historique soulève une question cruciale : jusqu’à quand l’impunité prévaudra-t-elle en République Démocratique du Congo ?
Le lauréat du Nobel insiste sur la nécessité de mobiliser des ressources pour la création d’un Tribunal Pénal International pour le Congo et de chambres spécialisées mixtes. « Les États et institutions qui cherchent à restaurer la paix dans la région des Grands Lacs ne pourront faire l’économie de la justice », a-t-il déclaré, mettant en garde contre toute tentative de nier la souffrance des millions de victimes congolaises.
Le rapport de Human Rights Watch, publié le 20 août, accuse l’AFC/M23 d’avoir exécuté une centaine de civils, majoritairement des agriculteurs hutu. Ces tueries massives s’inscriraient dans le cadre d’une campagne militaire contre les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR). L’organisation appelle à des enquêtes crédibles via le mécanisme conjoint de coordination de la sécurité.
Les investigations révèlent que le massacre a été perpétré dans 14 villages et localités du groupement Binza, notamment Busesa, Kakoro, Kafuru et Rubare. L’ampleur géographique de ces violences démontre un caractère systématique qui interpelle sur les méthodes employées par les groupes armés dans la région.
Alors que les pourparlers se poursuivent à Doha depuis mai dernier, les délégations de Kinshasa et de l’AFC/M23 semblent poursuivre des objectifs divergents. Un cadre de la rébellion affirme que leur présence au Qatar vise principalement à obtenir la libération de leurs membres détenus par le gouvernement, plutôt qu’à signer un accord de paix.
Les États-Unis se montrent plus optimistes, estimant que les échanges de cette semaine pourraient déboucher sur un accord favorisant le vivre-ensemble des communautés de la région. Kinshasa, de son côté, maintient ses lignes rouges : respect de la Constitution, souveraineté nationale et intégrité territoriale.
La situation dans le Nord-Kivu continue de préoccuper les observateurs internationaux, alors que les violations des droits humains persistent malgré les multiples initiatives de paix. L’appel du docteur Mukwege résonne comme un rappel urgent à la communauté internationale sur la nécessité de conjuguer efforts diplomatiques et exigence de justice.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd