Dans un mouvement sans précédent, les administrateurs des territoires de la République démocratique du Congo brandissent l’étendard de la grève illimitée. Une décision radicale qui sonne comme un cri de détresse face à des conditions de travail jugées « inhumaines et dégradantes ». Comment en est-on arrivé à ce point de rupture dans l’administration territoriale congolaise ?
Pendant trente longs mois, ces fonctionnaires de l’ombre ont exercé leurs missions dans l’ombre de l’oubli salarial. Trois ans sans percevoir le moindre salaire, sans frais de fonctionnement, sans indemnités d’installation. Un administrateur, sous couvert d’anonymat, confie amèrement : « La prime spécifique n’a été versée que pendant trois mois. Après, plus rien. Le silence institutionnel a été notre seul compagnon ».
Cette grève, prévue à partir du lundi 18 août, n’est pas un simple mouvement revendicatif. Elle représente l’ultime recours de femmes et d’hommes poussés à bout. Leur correspondance au Vice-Premier ministre dépeint une réalité glaçante : épuisement moral, destruction des foyers familiaux, avenir des enfants compromis. La colère couvait sous la cendre de la résilience, elle éclate aujourd’hui en un brasier social.
Les revendications sont claires : paiement régulier des salaires impayés, versement intégral de la prime spécifique, octroi des primes de sécurité et d’itinérance. Des demandes qui semblent pourtant élémentaires pour des fonctionnaires censés incarner l’autorité de l’État dans les territoires.
Ce mouvement social en RDC soulève des questions fondamentales sur la gestion des ressources humaines dans l’administration publique. Comment l’État peut-il exiger un service public de qualité tout en maintenant ses agents dans la précarité la plus absolue ? La crise de l’administration territoriale n’est-elle pas le symptôme d’un malaise plus profond dans la fonction publique congolaise ?
Les administrateurs territoriaux, ces piliers souvent invisibles de la décentralisation, sont pourtant essentiels au fonctionnement de l’État. Leur grève illimitée risque de paralyser la gestion quotidienne des territoires, avec des conséquences potentiellement graves pour les populations.
Cette situation pose cruellement la question de la valorisation de la fonction publique en RDC. Quand les gardiens de l’autorité de l’État doivent mendier leur dû, c’est toute la crédibilité institutionnelle qui s’effrite. La crise des administrateurs territoriaux dépasse le simple cadre revendicatif : elle interroge la capacité de l’État à honorer ses engagements envers ses propres serviteurs.
Alors que la grogne sociale gagne du terrain, les autorités devront répondre à cette question cruciale : comment reconstruire une administration territoriale digne et fonctionnelle, capable de servir efficacement les populations congolaises ? L’enjeu dépasse la simple satisfaction de revendications salariales : il touche à la crédibilité même de l’État de droit en République démocratique du Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd