Le territoire de Mwenga vit au ralenti depuis ce lundi 18 août. Les rues désertées, les boutiques fermées, un silence lourd de colère s’est abattu sur cette région du Sud-Kivu. Pendant trois jours, la population observe une ville morte pour dénoncer un fléau devenu quotidien : les barrières illégales érigées par des militaires des FARDC et leurs alliés wazalendo.
« Nous en avons marre de cette extorsion organisée ! », s’indigne un commerçant de Mwenga Centre sous couvert d’anonymat. « À chaque barrière, ce sont des milliers de francs congolais qui partent en fumée. Comment voulez-vous que nos activités économiques survivent dans ces conditions ? »
La situation décrite par les habitants ressemble à un véritable parcours du combattant. Sur la route Bukavu-Mwenga, les points de contrôle illicites se multiplient, chaque uniforme devenant un prétexte pour soutirer de l’argent aux voyageurs. Les témoignages recueillis parlent de harcèlement systématique, de taxes inventées, de menaces voilées quand les usagers tentent de résister.
La société civile locale, porte-voix de cette exaspération populaire, dresse un constat accablant. Sammy Lungele Itebo, président de la société civile de Mwenga, ne mâche pas ses mots : « Ces pratiques illégales créent des incompréhensions permanentes entre la population et ceux qui sont censés la protéger. Comment en sommes-nous arrivés là ? »
Mais les barrières illégales ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les habitants pointent également du doigt l’état déplorable des infrastructures, notamment la route nationale numéro 2 qui relie Bukavu à Mwenga. Le pont Zokwe, vital pour la circulation, n’existe plus, tandis que des bourbiers rendent certains tronçons impraticables. « Nous demandons simplement à pouvoir circuler librement et en sécurité », insiste un habitant de Kibumba.
Face à cette situation intenable, la population avance des solutions concrètes. Outre la suppression immédiate des barrières illicites, elle exige la réhabilitation urgente des routes et ponts défectueux. Une proposition intéressante émerge : que les entreprises chinoises opérant dans l’exploitation minière sur le territoire participent aux efforts d’infrastructure. « Elles profitent de nos ressources, qu’elles investissent dans notre développement ! », lance un jeune activiste.
Le malaise est d’autant plus profond que ces préoccupations remontent régulièrement dans les instances de sécurité sans déboucher sur des actions concrètes. Cette inertie des autorités face aux tracasseries militaires nourrit un sentiment d’abandon chez les populations du Sud-Kivu. Jusqu’où faudra-t-il aller pour se faire entendre ?
Alors que les trois jours de ville morte se déroulent dans un calme relatif mais déterminé, une question persiste : cette protestation pacifique suffira-t-elle à faire bouger les lignes ? Les habitants de Mwenga attendent des actes forts, pas des promesses. La balle est désormais dans le camp des autorités provinciales et nationales.
Cette mobilisation citoyenne dépasse la simple question des barrières illégales. Elle interroge fondamentalement la relation entre l’État et ses citoyens dans les zones reculées de la RDC. Quand la protection se transforme en prédation, quand le développement reste un vain mot, que reste-t-il comme recours aux populations ? Le territoire de Mwenga, par son mouvement de protestation, envoie un message clair à tout le pays : la patience a des limites.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd