Dans un geste chargé de symbolisme institutionnel, l’École nationale d’administration de la République démocratique du Congo vient d’opérer une mutation significative dans le paysage de la réflexion administrative. Le lancement officiel d’Inflexion, première revue scientifique de l’institution, sous le patronage du vice-Premier ministre Jean-Pierre Lihau, marque-t-il un tournant décisif dans l’approche congolaise de la réforme de l’État ?
Cette publication bilingue, éditée par Academic Editor, se présente comme un carrefur intellectuel où se rencontrent analyses académiques et réalités terrain. Elle ambitionne de constituer un vivier de réflexions critiques sur les dynamiques administratives, économiques et sociales qui traversent la nation. Le directeur général de l’ENA, Tombolo Muke, y voit un « espace d’intelligence collective » destiné à répondre aux aspirations d’une société en quête d’efficacité publique.
La démarche, présentée comme collaborative, associe chercheurs, professeurs et experts internationaux. Cette ouverture cosmopolite traduit-elle une volonté d’inscrire la réflexion administrative congolaise dans les courants de pensée globaux ? Ou s’agit-il plutôt d’un habillage technique pour des réformes qui peinent à trouver leur rythme de croisière ?
Jean-Pierre Lihau, ministre de la Fonction publique, défend pour sa part la nécessité de conjuguer science et action gouvernementale. « La réforme de l’État ne peut se faire sans rigueur, sans science, sans données », affirme-t-il, présentant Inflexion comme un outil de structuration des politiques publiques fondées sur « l’évidence et la redevabilité ».
La revue, qui paraîtra semestriellement en juin et décembre, s’engage à respecter les standards internationaux d’évaluation. Ses promoteurs promettent des contenus originaux destinés à nourrir concrètement les politiques de réforme, renforcer la gouvernance publique et anticiper les défis futurs. Mais cette ambition éditoriale suffira-t-elle à infléchir durablement les pratiques administratives congolaises, souvent critiquées pour leur lourdeur et leur inefficacité ?
Le lancement d’Inflexion intervient dans un contexte où la RDC multiplie les initiatives de modernisation de son administration. Cette publication scientifique représente-t-elle le ferment intellectuel d’une transformation profonde ou simplement un nouvel avatar de la communication gouvernementale ? La réponse se lira peut-être dans la capacité de cette revue à produire des analyses indépendantes et à influencer réellement les décideurs politiques.
L’enjeu dépasse le simple cadre académique. Il touche à la crédibilité même du processus de réforme de l’État congolais. Si Inflexion parvient à établir un dialogue fécond entre théorie et pratique, elle pourrait effectivement contribuer à l’émergence d’une administration plus performante. Dans le cas contraire, elle rejoindra le long cortège des initiatives bien intentionnées mais sans impact tangible sur la gouvernance publique en RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net