« Chaque voyage devient une torture. Nos véhicules se brisent sur les nids-de-poule, les marchandises arrivent abîmées », témoigne Kambale, chauffeur sur l’axe Bukavu-Mwenga. Son calvaire quotidien illustre l’état catastrophique de la Route nationale 2, épine dorsale économique du Sud-Kivu que l’administrateur du territoire de Mwenga, Walubila Mao, ordonne désormais aux sociétés minières de réhabiliter d’urgence.
Dans une correspondance datée du 15 août, l’autorité territoriale enjoint huit entreprises exploitant l’or dans cette région minière stratégique de considérer comme « priorité absolue » la réhabilitation de cette voie. Le document exige que chacune mette à disposition une flotte lourde : deux excavatrices, une chargeuse, deux camions benne ainsi que les carburants nécessaires pour une commission ad hoc. Une demande qui reste lettre morte depuis plus d’un mois, suscitant l’exaspération croissante des usagers et acteurs économiques.
Comment expliquer ce silence des compagnies minières, alors que le territoire de Mwenga génère des richesses colossales grâce à ses gisements aurifères ? La population locale s’interroge amèrement sur la réalité de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans cette partie de la RDC. « Elles extraient nos minerais mais laissent pourrir la route qui sert à les exporter », déplore une commerçante de Kamituga, les pieds dans la boue après une averse.
La situation dépasse la simple gêne routière : plusieurs ponts menacent de s’effondrer, transformant des portions entières en pièges mortels lors de la saison des pluies. Pourtant, cette route nationale 2 constitue un maillon vital reliant Bukavu, capitale provinciale, aux zones minières de Mwenga. Son délabrement chronique isole progressivement des communautés entières, bloque l’acheminement des denrées et renchérit considérablement le coût des transports.
« Nous assistons à un cercle vicieux », analyse un économiste local sous couvert d’anonymat. « Les sociétés minières arguent de l’insécurité et des difficultés logistiques pour justifier leurs retards, mais ce sont précisément ces mêmes difficultés qu’elles pourraient atténuer en réhabilitant l’infrastructure. » La route défaillante grève la compétitivité de toute la région, alors même que le Sud-Kivu tente de relancer son activité minière après des années de turbulence.
Face à cette inertie, la société civile monte au créneau. Des collectifs d’usagers préparent des actions de protestation, tandis que des chefs coutumiers rappellent le contrat moral liant les exploitants aux populations. « Ces entreprises bénéficient de notre sous-sol, le minimum serait qu’elles rendent nos déplacements possibles », tonne un notable du groupement de Lubimbe. Le débat dépasse largement la question technique : il pose crûment la problématique du partage des bénéfices miniers dans une région où l’État central semble absent.
L’ultimatum lancé par l’administrateur Walubila Mao constitue donc un test crucial. Réussira-t-il à imposer aux sociétés minières cette contribution collective qui relève autant de l’intérêt économique que de la justice sociale ? La réponse déterminera si les promesses de responsabilité sociale des entreprises se concrétisent enfin en actes tangibles ou si elles resteront des slogans vides sur des routes défoncées. Pour des milliers de Congolais du Sud-Kivu, l’enjeu est simple : continuer à survivre dans l’isolement ou retrouver la voie du développement.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net