La nuit du 15 août a plongé Kikwit dans une tragédie économique. Aux premières lueurs de l’aube, les commerçants du marché central de Kazamba découvraient un paysage de désolation : des montagnes de cendres là où s’élevaient hier encore moulins à farine et sacs de denrées. « C’est toute notre vie qui est partie en fumée », murmure un vendeur de manioc, les yeux rivés sur les décombres fumants. Cette scène de désespoir résume le drame vécu par des centaines de familles après l’incendie qui a ravagé ce poumon commercial du Kwilu.
Selon Sylvie Mukuwa, bourgmestre de la commune, le bilan préliminaire est accablant : au moins 30 moulins, quatre dépôts et des dizaines d’étalages réduits en cendres. Mais ce qui frappe le plus, c’est la destruction massive de produits agricoles stratégiques. Des tonnes de maïs et de manioc – base alimentaire de la région – ont été carbonisées dans cet incendie du marché Kikwit. « Ces réserves nourrissaient des quartiers entiers de la ville économique du Kwilu », souligne amèrement un agent municipal.
L’enquête sur les causes du sinistre Kazamba suit son cours, mais les questions brûlantes s’accumulent. Comment un tel foyer a-t-il pu se propager sans intervention rapide ? Les pompiers disposent-ils des moyens nécessaires face à ces incendies Kwilu récurrents ? La bourgmestre Mukuwa lance surtout un cri d’alarme : « Le souci premier est d’assister ces commerçants qui ont tout perdu. Leurs fonds de départ, leurs bases de survie… » Son appel à l’aide aux commerçants sinistrés résonne comme un aveu d’impuissance face à l’ampleur des dégâts.
Ce drame intervient dans un contexte inquiétant. À peine quelques semaines après l’incendie du marché central de Bandundu – attribué à un court-circuit – qui avait déjà laissé trente familles sans ressources. Un parallèle troublant émerge : comme à Bandundu, les enquêtes promises tardent à aboutir ; comme à Bandundu, la destruction de produits agricoles menace la sécurité alimentaire locale. « Chaque fois, on nous promet des listes de sinistrés et des compensations qui n’arrivent jamais », déplore une vendeuse de légumes.
Derrière ces sinistres Kazamba à répétition se cache une réalité sociale brutale. La précarité des infrastructures marchandes, l’absence de systèmes anti-incendie et la concentration des denrées dans des zones à risque condamnent des milliers de petits commerçants à une vulnérabilité chronique. La destruction des produits agricoles locaux crée surtout un cercle vicieux : hausse des prix, appauvrissement des consommateurs, fragilisation de l’économie informelle.
Combien de fois faudra-t-il voir s’envoler en fumée le labeur de nos producteurs avant une politique préventive efficace ? Alors que les victimes de Bandundu attendent toujours des solutions concrètes, les sinistrés de Kazamba scrutent l’horizon avec angoisse. Leur espoir ? Que cette fois, l’aide aux commerçants sinistrés dépasse les promesses pour devenir une réalité tangible. Car sans soutien immédiat, c’est toute la chaîne économique régionale qui risque de s’effondrer.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
