Le président kenyan William Ruto, également président en exercice de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), a déclenché une tempête diplomatique en nommant Judy Kiaria Nkumiri au poste de consul général à Goma. Cette décision intervient dans un contexte où la capitale du Nord-Kivu demeure sous occupation des rebelles du M23, soutenus militairement par le Rwanda selon les rapports onusiens.
Cette nomination, officialisée par décret présidentiel, est perçue à Kinshasa comme une reconnaissance implicite de l’autorité des groupes armés illégaux. Un haut fonctionnaire congolais sous couvert d’anonymat s’interroge : « Comment un pays frère peut-il établir une représentation diplomatique sur un territoire contrôlé par des milices ? ». Cette position semble légitimer de facto l’administration rebelle dans cette zone stratégique.
Le président congolais Félix Tshisekedi avait déjà exprimé ses vives inquiétudes concernant le rôle de William Ruto dans la gestion de la crise à l’Est de la RDC. Lors d’un récent forum organisé par l’Initiative de Sécurité en Afrique, il déclarait sans ambages : « Le président Ruto a pris fait et cause pour le Rwanda. Le processus de paix impulsé par Uhuru Kenyatta est quasiment mort ». Ces propos illustrent la fracture croissante entre les deux capitales.
La crise diplomatique Kenya-RDC prend ainsi une nouvelle dimension géopolitique. L’occupation M23 au Nord-Kivu, dénoncée par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, devient désormais un enjeu central dans les relations bilatérales. Des analystes craignent que cette décision ne sape davantage la crédibilité du processus de Nairobi, déjà fragilisé par les accusations de partialité.
L’EAC se retrouve dans une position délicate, tiraillée entre ses membres. Alors que le mécanisme régional tentait d’apaiser les tensions, cette nomination à Goma risque de compromettre les efforts de médiation. Un diplomate ougandais confie sous le sceau du secret : « Nous marchons sur des œufs. Cette désignation est perçue comme une provocation inutile à un moment où nous cherchions à recoller les morceaux ».
Les implications sécuritaires sont immédiates. Les FARDC voient dans cette décision un encouragement indirect aux forces du M23, dont les positions se trouvent renforcées symboliquement. Des sources militaires à Sake rapportent une recrudescence des mouvements de troupes rebelles depuis l’annonce de la nomination.
La balle est désormais dans le camp de Kinshasa qui doit décider de sa réponse diplomatique. Accepter cette nomination équivaudrait à reconnaître l’autorité des occupants, tandis que la rejeter ouvertement aggraverait la crise avec Nairobi. Quelles options restent-elles à la RDC pour défendre sa souveraineté sans isoler davantage le pays dans la région ?
Cette affaire dépasse le simple cadre bilatéral et pose une question fondamentale sur le fonctionnement de l’EAC : une organisation régionale peut-elle maintenir sa crédibilité lorsque son président en exercice prend des décisions contraires aux intérêts d’un État membre en conflit ? L’avenir de l’intégration est-africaine pourrait bien se jouer dans les prochaines semaines autour de cette nomination controversée à Goma.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd