Les mains tremblantes encore marquées par les souvenirs des camps de déplacés, Bernadette Kabuya Nduyenabo serre un cahier de formation contre sa poitrine. « Nous vivions avec un traumatisme qui nous dépassait », confie cette mère de famille, l’une des 850 bénéficiaires d’un projet d’autonomisation des femmes lancé à Nyiragongo. Comment se reconstruire quand on a tout perdu dans les violences du Nord-Kivu ?
Depuis le 15 août, ces femmes majoritairement retournées d’exil participent à un programme de six mois soutenu par le PNUD et mis en œuvre par l’ONG locale Audi Congo. Au menu : gestion financière, techniques d’épargne, mais aussi apprentissage concret de métiers comme la coupe-couture, la boulangerie ou la pâtisserie. Des compétences vitales pour celles qui ont erré de camp en camp, leurs vies suspendues aux aléas des conflits.
« Nous venons redonner un horizon à ces femmes en détresse », explique Noella Kaseke, chargée du genre chez Audi Congo. Son équipe parcourt les villages du territoire pour identifier les besoins criants. « Après les épreuves, elles ne savaient plus par où recommencer. Notre action s’inscrit dans les piliers du relèvement et de la résilience ».
Dans les ateliers improvisés sous des bâches, le bourdonnement des machines à coudre couvre désormais le bruit des souvenirs douloureux. Les formations pratiques alternent avec des sessions sur le leadership féminin en RDC, sujet crucial dans une région où les femmes portent souvent seules la reconstruction des foyers. « Avec Audi Congo, la femme va enfin s’épanouir », espère Bernadette, les yeux brillants d’une détermination nouvelle.
Ce projet touche une corde sensible dans le Nord-Kivu, où des milliers de retournées peinent à retrouver une autonomie économique. Les organisateurs insistent sur l’approche holistique : outre les compétences techniques, les participantes apprennent à transformer un micro-crédit en activité pérenne. Une stratégie qui répond à un besoin urgent de relèvement des femmes après la crise.
Mais derrière l’espoir renaissant se profile un défi de taille : comment garantir la durabilité de ces initiatives ? Les bénéficiaires, pour beaucoup analphabètes, devront affronter les réalités d’un marché local saturé. Les partenaires comptent sur la mise en réseau des apprenantes pour créer des coopératives viables.
Alors que le soleil décline sur les collines de Nyiragongo, des rires fusent d’un atelier de pâtisserie. Pour ces femmes qui ont connu l’enfer des déplacements, chaque petit pain façonné est un acte de résistance. Leur combat silencieux pose une question essentielle : l’autonomie économique peut-elle être le ciment de la paix dans l’est congolais ? La réponse se bâtira, fournée après fournée, dans ces lieux où renaît la dignité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net