Dans un coup de semonce administratif, le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Evariste Kakule Somo, a institué jeudi une commission d’audit ciblant les chantiers de voirie à Beni et Butembo. Cette décision, tombée comme un couperet, interroge directement la gestion financière et technique de projets cumulant 16 millions de dollars américains, engagés depuis plus de douze mois sans aboutissement. Quelle efficacité réelle derrière ces investissements colossaux dans une région minée par l’insécurité ?
Selon l’arrêté gubernatorial, cette structure pluridisciplinaire aura pour mission d’examiner au scalpel la qualité des matériaux utilisés et la conformité des travaux aux cahiers des charges contractuels. Plus sensible encore, elle devra passer au crible la gestion financière depuis le lancement des opérations, confrontant systématiquement les devis initiaux aux réalisations terrain. Une tâche ardue tant les disparités entre engagements et réalisations semblent criantes.
Présidée par le conseiller stratégique du gouverneur, la commission intègre des profils techniques et anticorruption : l’auditrice provinciale de l’Office pour la bonne gouvernance côtoiera ainsi le directeur provincial des voiries, tandis que deux représentants de la société civile locale apporteront leur expertise citoyenne. Ce casting savamment équilibré suggère une volonté de transparence, mais trahit aussi une défiance institutionnelle latente. L’épée de Damoclès pend désormais sur les entreprises concernées, qui n’ont pu être jointes pour commentaire.
À Beni, la Société des Services Vihumbira (SSV) œuvre depuis février 2024 sur 5 kilomètres de voirie pour 9 millions USD. À Butembo, Jerryson Construction manipule 7 millions de dollars pour 5,6 km de routes. Des montants pharaoniques dans une province où les défis sécuritaires entravent quotidiennement le développement. Comment justifier ces retards abyssaux malgré l’engagement initial du gouvernement provincial ? L’audit qualité routes RDC en cours pourrait révéler des dysfonctionnements structurels bien au-delà du simple calendrier.
Le délai imparti – deux semaines seulement – ajoute une pression insoutenable sur les auditeurs. Ce calendrier serré ressemble à un ultimatum politique, comme si le gouverneur militaire Kakule voulait asseoir son autorité par un coup d’éclat technocratique. La crédibilité des institutions provinciales se jouera dans ce rapport, qui pourrait bien déclencher une onde de choc dans la gestion des infrastructures congolaises. Car derrière les bétons mal coulés et les budgets évaporés, c’est toute la confiance des populations du Nord-Kivu qui s’effrite.
Si les conclusions de cet audit travaux voirie s’avèrent accablantes, elles pourraient inaugurer une vague de sanctions sans précédent contre les entreprises défaillantes. Mais l’enjeu dépasse la simple punition : il s’agit d’instaurer un nouveau paradigme dans l’exécution des marchés publics en RDC, où chaque dollar doit correspondre à un centimètre de route viable. Le général Kakule joue là son image de réformateur intègre, dans une province où chaque kilomètre goudronné compte doublement face à l’emprise des groupes armés.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net