Le 45e sommet de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), hôte à Madagascar, place la coopération minière au cœur des débats. Un paradoxe saisissant émerge : la région détient près de 30% des réserves mondiales de minerais critiques – lithium, cobalt, manganèse – indispensables à la transition énergétique, mais n’en tire qu’une infime portion de valeur ajoutée. Comment expliquer que ce trésor géologique se transforme en occasion manquée pour 380 millions d’habitants de la SADC ?
La réponse réside dans un chiffre-choc : seulement 2% de ces ressources stratégiques subissent une transformation sur le sol africain. « Cette exportation massive de matières brives prive le continent de plus de 24 milliards de dollars de PIB potentiel », déplore Ouleymatou Ngom, coordinatrice de plaidoyer pour Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP). Une hémorragie économique d’autant plus criante que ces minerais alimentent précisément les industries vertes – batteries de véhicules électriques, panneaux solaires – dont l’Afrique a cruellement besoin.
L’absence de chaîne de valeur régionale constitue le nœud gordien. Aucun pays membre ne dispose isolément des capacités industrielles, énergétiques et logistiques nécessaires à une transformation complète. Le déficit électrique frappe particulièrement : plus de 100 millions de personnes privées d’électricité dans la SADC rendent illusoire toute industrialisation minérale autonome. « Seule une intégration régionale permettrait de combiner les atouts complémentaires », insiste Ngom, plaidant pour une mutualisation des infrastructures.
La solution ? Un modèle coopératif où les pays riches en ressources – comme la RDC pour le cobalt – s’allieraient aux territoires disposant d’énergies renouvelables abondantes ou de corridors logistiques efficaces. Un tel écosystème nécessiterait des investissements massifs dans les interconnexions électriques et les réseaux ferroviaires, transformant la fragmentation actuelle en force collective. Le potentiel est immense : chaque étape de transformation locale générerait des emplois qualifiés et dynamiserait les industries connexes.
PCQVP alerte simultanément sur les risques sociaux. L’ONG exige l’adoption urgente d’un code d’investissement minier contraignant pour protéger les communautés riveraines des projets extractifs. « Sans garde-fous, la ruée vers ces minerais stratégiques pourrait reproduire les erreurs passées : accaparements fonciers et conflits socio-environnementaux », met en garde Ngom. Cette régulation éthique apparaît comme le corollaire indispensable à toute stratégie industrielle.
Alors que la demande mondiale en minerais critiques devrait quintupler d’ici 2040, la SADC se trouve à un carrefour historique. Sa capacité à orchestrer une chaîne de valeur régionale déterminera si l’Afrique australe reste un simple fournisseur de matières premières ou s’érige en acteur industriel de la transition énergétique. Les 24 milliards de dollars annuels actuellement perdus représentent plus qu’un manque à gagner : ils incarnent le coût politique de la non-coopération.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net