Dans les ruelles poussiéreuses de Kalemie, une modeste plaque métallique fixée à un mur de briques devient le symbole d’une bataille institutionnelle. « Payer 10 dollars pour ce numéro, c’est voler notre droit à développer notre quartier », s’insurge un habitant du quartier Lukuga, montrant du doigt la précieuse plaque. Cette taxe de numérotation parcellaire, imposée par la division provinciale de l’habitat du Tanganyika, crée une onde de choc à travers la ville.
Le collectif des conseillers communaux brandit l’ordonnance-loi n°18/004 du 13 mars 2018 comme un bouclier juridique. « La compétence exclusive revient aux communes ! », tonne Yacine Muchukiwa Janvier, président du conseil communal du Lac. Dans son bureau aux murs décrépis, il explique amèrement : « Chaque dollar ainsi détourné par la province, c’est une école non réparée, une route non entretenue. On étouffe nos capacités de développement alors que les populations croulent déjà sous les difficultés. »
La division habitat Tanganyika, silencieuse face aux accusations, continue pourtant de distribuer ces plaques bleues frappées de chiffres blancs. Une situation qui crée un dangereux précédent selon les experts en décentralisation : « Quand l’échelon provincial empiète sur les compétences communales, c’est toute l’architecture institutionnelle de la RDC qui vacille », analyse un universitaire kinois sous couvert d’anonymat.
Derrière ce conflit d’attribution se cache une réalité sociale criante. À Kibirizi, Mama Nzeba hésite entre acheter du médicament pour son fils malade ou régler cette taxe numérotation parcelles. « Sans plaque, pas de titre foncier. Sans titre, ma maison peut être saisie », murmure-t-elle, les mains tremblantes. Cette double peine administrative et financière frappe particulièrement les veuves et les jeunes ménages.
Les conseillers communaux du Tanganyika réclament l’intervention urgente du gouverneur de province. « Jusqu’où ira cette saignée des caisses communales ? », interrogent-ils dans un mémoire adressé aux autorités supérieures. Pourtant, l’ordonnance loi taxes RDC est pourtant claire : l’article 34 place explicitement cette taxe dans le giron communal comme ressource propre.
Cette controverse Kalemie dépasse le simple différend administratif. Elle pose une question fondamentale : la décentralisation promise par la constitution congolaise est-elle un leurre ? Alors que les communes peinent à financer l’électricité ou l’eau potable, ce détournement de taxe illustre le chemin tortueux vers l’autonomie locale. Dans l’ombre des plaques bleues de Kalemie, c’est l’avenir même de la gouvernance territoriale en RDC qui se joue.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net