« Dernièrement, j’ai dû voyager avec mes enfants pour refaire nos passeports. La nationale numéro 1 ? Un calvaire entre accidents et coupeurs de route. À Kinshasa, les frais d’hébergement ont englouti nos économies », souffre Jean*, résident de Matadi. Son témoignage résume le cauchemar vécu par des milliers de Congolais du Kongo Central depuis décembre 2014. Cette année-là, le centre de capture biométrique de Matadi fermait ses portes, vol de machine et problèmes logistiques en toile de fond. Onze longues années d’attente, onze années de galère.
Ce week-end, une lueur d’espoir a percé. Roland Vakanda Lubanzinladio, chef de bureau aux Affaires étrangères, a inspecté les installations et annoncé la réouverture imminente du centre. « C’est une priorité de la ministre », a-t-il affirmé, soulignant l’urgence de désengorger Kinshasa et de faciliter l’accès aux passeports dans l’intérieur du pays. Un soulagement pour une province longtemps oubliée des services administratifs de base.
Imaginez : chaque demande de passeport devenait une expédition périlleuse. Combien de vies mises en péril sur cette route mortelle ? Combien de familles ont renoncé à voyager, cloîtrées dans une invisibilité administrative ? Le centre de capture biométrique de Matadi, inauguré en 2009 comme 14e direction du ministère, était pourtant une solution élégante : collecte locale des données biométriques, impression à Kinshasa, livraison sur place. Sa disparition a créé un désert documentaire.
Les conséquences sociales ? Écrasantes. Outre les risques sécuritaires, le coût exorbitant du voyage vers la capitale – transport, hébergement, nourriture – mettait le passeport hors de portée des plus modestes. Un paradoxe cruel dans une province frontalière où ce sésame est vital pour le commerce transfrontalier. « Service passeport Kongo Central » rimait avec parcours du combattant, une injustice criante pour ces populations riveraines du fleuve Congo.
La réouverture du centre de passeport Matadi n’est donc pas qu’une question administrative. C’est un acte de justice territoriale. Roland Vakanda l’a bien compris : ce rétablissement répond à une urgence humaine. Plus besoin d’entreprendre le périlleux voyage Kinshasa passeport pour des milliers d’habitants. Les données biométriques seront capturées sur place, réduisant délais et coûts. Une révolution pour l’accès aux droits.
Mais au-delà du pragmatisme, quel symbole ! Le retour de ce service essentiel dans le Kongo Central marque-t-il un rééquilibrage tant attendu des investissements publics ? En pleine crise économique, cette décision envoie un message fort : les provinces ne sont plus des parents pauvres de l’administration. Le centre de capture biométrique RDC se réimplante hors des sentiers battus, reconnaissant enfin l’importance des territoires.
Des questions persistent, bien sûr. Quelles garanties contre de nouvelles défaillances techniques ? La sécurisation des équipements est-elle assurée ? Pourtant, l’espoir l’emporte. Pour des parents comme Jean*, c’est la fin d’un calvaire. Pour la province, c’est le retour d’un outil de dignité. Comme le souligne un observateur local : « Ce passeport, c’est notre liberté de mouvement. Le retrouver à Matadi, c’est retrouver un peu de notre souveraineté quotidienne. »
Alors que les machines s’apprêtent à redémarrer, un chapitre se tourne. Onze ans d’errance administrative s’achèvent. La réouverture du centre passeport Matadi n’est pas qu’une nouvelle technique. C’est la promesse d’un Congo qui écoute enfin ses périphéries, une victoire contre l’enclavement bureaucratique. Reste à transformer l’essai – mais pour des milliers de Congolais, le chemin vers la citoyenneté mondiale vient de raccourcir considérablement.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net