Les cris de désespoir résonnent dans l’obscurité du quartier Tshiatshiatshia. « Nous sommes dans le noir. Tous ceux qui vendent les vivres frais ici risquent de tout perdre », témoigne Jean Kelekele, gérant d’une galerie commerciale, la voix nouée par l’angoisse. Depuis la nuit du 10 août 2025, plus de cent ménages de ce secteur de Mbuji-Mayi subissent une panne d’électricité catastrophique après qu’un incendie violent a ravagé les câbles électriques d’ENERKA. Un drame qui expose cruellement la précarité des infrastructures énergétiques dans la région du Kasaï.
Vers 1h du matin, une détonation assourdissante a réveillé les habitants, suivie d’un spectacle terrifiant : des flammes gigantesques léchant les câbles mal fixés sur des poteaux branlants. « C’était comme un serpent de feu dans la nuit », raconte Beyar Kabeya, résident du quartier. Sous l’effet de la chaleur, les conduits électriques se sont détachés, transformant le réseau en torche vivante. Un scénario que les habitants attribuent aux branchements anarchiques : chaque maison disposait en effet de sa propre ligne directe depuis la cabine mère du poste MIBA, créant une toile vulnérable et surchargée.
Les conséquences de cette panne d’électricité ENERKA frappent de plein fouet l’économie locale. Dans les échoppes, les réfrigérateurs s’arrêtent, menaçant des stocks entiers de denrées périssables. La circulation devient chaotique aux carrefours dépourvus de signalisation, tandis que les familles cuisinent à la lueur dangereuse des lampes à pétrole. Comment une ville entière peut-elle basculer ainsi dans la vulnérabilité à cause d’un seul incident ? La question hante les esprits alors que les températures nocturnes plongent et que l’insécurité grandit dans les ruelles non éclairées.
Face à la colère montante, le directeur général d’ENERKA tente d’apaiser les tensions. « Nous restructurerons le réseau de distribution selon les règles de l’art », promet-il, annonçant une réduction drastique du nombre de lignes directes. Des équipes techniques s’affairent déjà sur le site calciné où gisent les câbles électriques brûlés, mais les réparations pourraient prendre des semaines. Cette catastrophe énergétique au Kasaï soulève pourtant un enjeu bien plus large : jusqu’à quand les quartiers populaires continueront-ils de payer le prix de décennies de négligence infrastructurelle ?
Derrière les promesses de modernisation, c’est tout un modèle de développement qui est interrogé. Les branchements sauvages, solution de survie pour des populations abandonnées, révèlent l’échec des politiques d’accès à l’énergie. Alors que Mbuji-Mayi grelotte dans l’obscurité, l’incendie de Tshiatshiatshia sonne comme un avertissement : sans investissements massifs et régulation stricte, ces drames se répéteront. La lumière qui reviendra dans les foyers saura-t-elle éclairer aussi les consciences des décideurs ? Pour l’instant, dans la chaleur étouffante du Kasaï, ce sont les espoirs qui partent en fumée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net