« Mon enfant est né le 03 mars 2025 pendant qu’on était en brousse. On nous dit que c’est trop tard pour l’enregistrer. Que va-t-il devenir sans acte de naissance ? » La voix tremblante de Claudine Zawadi, rencontrée devant le bureau d’état civil de Walikale centre, résume le drame de dizaines de familles du Nord-Kivu. Son témoignage poignant révèle une bombe à retardement humanitaire dans cette région minée par l’insécurité.
L’offensive des groupes armés a contraint des populations entières à fuir vers la brousse, paralysant les services d’état civil. Conséquence directe : des enfants nés pendant cet exode forcé se retrouvent privés de leur droit fondamental à la nationalité congolaise. À Walikale, cœur de cette crise, des parents désemparés ont saisi ce mardi 13 août 2025 le bureau de la société civile. Leur demande est vitale : régulariser la situation de ces mineurs exclus du système.
« Comment peut-on refuser un acte de naissance à des enfants dont les parents ont survécu aux violences ? » s’interroge un père anonyme, les traits marqués par l’angoisse. Son calvaire illustre le quotidien de ces familles : aux barrières de contrôle, sans papiers d’identité pour leurs enfants, ils sont systématiquement suspectés de trafic d’êtres humains. Cette stigmatisation ajoute à la précarité de déplacés déjà traumatisés par la guerre.
Le droit congolais est inflexible : l’enregistrement à l’état civil doit intervenir dans les 90 jours suivant la naissance. Un délai impossible à respecter quand les bureaux sont fermés et les officiers en fuite. Fiston Misona, président de la société civile locale, alerte sur l’urgence : « Sans intervention rapide, ces enfants grandiront sans existence légale. Leur apatridie sera une nouvelle victime collatérale du conflit. »
La solution ? Un moratoire exceptionnel permettant une régularisation rétroactive. Misona s’engage à plaider auprès des autorités provinciales pour une dérogation temporaire. « L’État doit comprendre que ces retards ne sont pas volontaires mais imposés par l’insécurité à Walikale », insiste-t-il. Cette démarche cruciale pourrait éviter à toute une génération de devenir des fantômes administratifs.
Derrière cette bataille administrative se cache un enjeu sociétal majeur. Sans acte de naissance, point d’accès à l’école, aux soins, ou même au mariage légal. Ces enfants sans papiers grandiront en marge de la République, vulnérables à tous les abus. La société civile du Nord-Kivu sonne l’alarme : régulariser ces naissances, c’est reconstruire le tissu social déchiré par la guerre. Jusqu’où l’État congolais ira-t-il pour protéger ses plus jeunes citoyens ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd