La région de Katana et Kalehe au Sud-Kivu sombre dans une urgence humanitaire sans précédent, où le système de santé vacille sous les coups de boutoir du conflit armé. Une évaluation menée par Médecins Sans Frontières (MSF) en mars 2025, suite aux violents affrontements, a dévoilé un tableau alarmant : sur 24 structures médicales inspectées, 15 ont fermé leurs portes, 10 ont subi des dégâts matériels et 16 ont été pillées. Imaginez une communauté où 62% des centres de santé disparaissent du jour au lendemain, laissant des milliers de personnes sans accès aux soins vitaux.
Face à cette situation critique, MSF a lancé une intervention d’urgence de deux mois qui a permis de fournir des soins gratuits à plus de 2 480 personnes. L’organisation s’est particulièrement concentrée sur les enfants de moins de cinq ans, dont beaucoup souffraient de malnutrition aiguë. Comme l’explique Emmanuel Njikam, coordinateur adjoint de MSF : “Beaucoup de familles ont perdu leurs moyens de subsistance. Grâce à des aliments thérapeutiques comme le Plumpy’Nut, des enfants ont pu échapper aux griffes de la faim”. Une bouée de sauvetage dans une région où les prix des denrées alimentaires ont flambé, privant les ménages de leurs ressources basiques.
L’hôpital général de référence de Katana, soutenu par MSF, a connu une transformation radicale. Le Dr Bahati Magadju, son directeur général, témoigne : “Nous n’admettions que cinq enfants par semaine avant l’intervention. En juin, ce chiffre est monté à près de 60 admissions hebdomadaires. La gratuité des soins et l’approvisionnement régulier en médicaments ont fait chuter la mortalité”. Des chiffres qui illustrent l’ampleur des besoins non satisfaits dans cette zone oubliée du Sud-Kivu.
Malgré ces avancées, l’ombre de l’insécurité plane toujours. Muriel Boursier, cheffe des programmes MSF au Sud-Kivu, alerte : “Trop de centres de santé restent sous-approvisionnés. La fermeture des aéroports de Bukavu et Goma entrave gravement l’accès humanitaire”. Un constat d’autant plus amer que les accords de paix signés en juillet 2025 entre le gouvernement congolais et le groupe M23 au Qatar, ainsi qu’avec le Rwanda à Washington en juin, peinent à se concrétiser sur le terrain.
Comment expliquer que dans une région où la malnutrition menace des générations d’enfants, l’aide humanitaire doive encore franchir des barricades invisibles ? Les équipes médicales dénoncent trois obstacles majeurs : l’insécurité persistante sur les axes routiers, la précarité économique des familles incapable de payer les soins, et la paralysie des infrastructures sanitaires. Avant de se retirer, MSF a certes fourni un stock médical couvrant deux mois supplémentaires aux structures soutenues, mais cela ressemble à une goutte d’eau dans l’océan des besoins.
Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a récemment renouvelé son appel pressant à toutes les parties belligérantes pour qu’elles protègent les civils et respectent le droit humanitaire. Un plaidoyer qui résonne dans le vide des centres de santé vandalisés de Katana. La véritable question qui se pose aujourd’hui est : jusqu’à quand les enfants du Sud-Kivu paieront-ils le prix d’un conflit qui les dépasse ? Sans un accès humanitaire garanti et un approvisionnement régulier en médicaments et aliments thérapeutiques par le ministère de la Santé et ses partenaires, cette crise risque de laisser des séquelles irréversibles sur toute une génération.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
