Dans les rues de Kinshasa où le smartphone est devenu le prolongement de la main, une question cruciale agite les esprits : comment protéger nos libertés sans étouffer la voix numérique ? Depuis lundi, la capitale congolaise vibre au rythme d’un atelier historique co-organisé par l’UNESCO et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC). Journalistes, universitaires et militants y dissèquent un défi brûlant : préserver la liberté d’expression numérique tout en garantissant la protection des données personnelles en RDC.
« Chaque jour, je vois des collègues journalistes hésiter à publier des enquêtes sensibles par crainte des représailles numériques », confie une participante sous couvert d’anonymat. Son témoignage résonne comme un écho aux préoccupations partagées dans la salle. L’atelier UNESCO Kinshasa révèle une tension palpable : si les plateformes numériques ont révolutionné l’accès à l’information, elles ont aussi ouvert la boîte de Pandore de la désinformation et des discours haineux.
Isaias Barreto da Rosa, représentant de l’UNESCO, plante le décor avec une urgence dans la voix : « L’ère numérique exige des garde-fous innovants. Comment construire un espace digital où la liberté de s’exprimer coexiste avec le droit à ne pas être traqué ? » Son intervention souligne l’impératif d’une régulation des plateformes numériques équilibrée, loin de toute censure déguisée. Un équilibre d’autant plus crucial en RDC où les réseaux sociaux servent souvent de contre-pouvoir face aux médias traditionnels.
Christian Bosembe, président du CSAC RDC, enfonce le clou en appelant à une mobilisation collective : « La solution ne viendra pas d’un seul acteur. Autorités, citoyens, journalistes et géants du numérique doivent co-construire un cadre légal adapté à nos réalités africaines. » Ses mots trouvent un écho dans l’analyse du professeur Kodjo Ndukuma, qui alerte sur les failles béantes des lois congolaises face aux manipulations algorithmiques et au piratage des données sensibles.
Pendant deux jours, les travaux ont mis en lumière des paradoxes saisissants. D’un côté, le numérique permet à un étudiant de Goma de documenter des violations des droits humains en direct. De l’autre, il expose les femmes congolaises à des campagnes de haine coordonnées. « Nos législations datent de l’ère du fax », ironise un juriste participant, soulignant l’obsolescence des textes face aux métaverses et à l’intelligence artificielle.
Les recommandations émergentes pointent vers une refonte complète du paysage juridique : création d’une autorité indépendante de contrôle des données, mécanismes de signalement rapide des contenus illicites, et éducation critique aux médias dès l’école primaire. Mais derrière ces pistes techniques, c’est une question philosophique qui persiste : jusqu’où peut-on encadrer l’expression sans trahir l’esprit même de la démocratie ?
Alors que l’atelier s’achève ce mercredi, une certitude s’impose : la bataille pour les libertés numériques en RDC ne fait que commencer. Dans un pays où seulement 20% de la population a un accès régulier à internet, le défi est titanesque. Comment protéger équitablement des citoyens dont la majorité reste exclue du débat ? La réponse exigera plus qu’un atelier – elle nécessitera une révolution des consciences et des lois. Car sans protection des données personnelles en RDC robuste, c’est la voix même du peuple congolais qui risque de se perdre dans les limbes du numérique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net