Dans un geste qui a électrisé l’actualité politique du Nord-Kivu, Daniel Kisaka Yereyere, ancien ministre de la Pêche puis des Affaires sociales, a officiellement prêté allégeance au mouvement rebelle M23. Scène surréaliste que celle de ce samedi 9 août 2025 dans la commune de Kayna : l’ex-dignitaire gouvernemental, arborant désormais l’étiquette de cadre rebelle, déclarait devant la foule sa volonté de « porter les armes et l’uniforme » contre l’État qu’il servit naguère.
Comment comprendre ce revirement spectaculaire d’un homme qui incarnait jusqu’alors l’autorité républicaine ? Dans un discours incendiaire, Kisaka a fustigé Kinshasa, accusant le pouvoir central d’avoir « trahi les aspirations du peuple congolais ». Une rhétorique savamment calibrée qui semble répondre à la stratégie du M23 cherchant désespérément à nationaliser son image, longtemps perçue comme un proxy rwandais.
La réaction de la communauté Yira, dont est issu l’ex-ministre, fut foudroyante. Kambale Muhamba Maximin, secrétaire général de l’association culturelle Kyaghanda Yira, a qualifié l’acte de « haute trahison contre notre mémoire collective ». Rappelant que « les Yira ont toujours formé le rempart contre l’agression rwandaise », il dénonce une manipulation de l’ennemi cherchant à légitimer sa rébellion par le recrutement de cadres locaux.
Ce ralliement inattendu soulève des questions brûlantes sur les méthodes de recrutement du M23. Jusqu’où ira cette opération de séduction ciblant d’anciens responsables gouvernementaux ? L’aventure de Kisaka apparaît comme un calcul risqué : en échangeant son costume ministériel contre un treillis rebelle, l’homme politique joue sa crédibilité sur l’échiquier volatile du conflit Nord-Kivu. Une reconversion qui ressemble à une tentative désespérée de repositionnement après son éviction du gouvernement.
L’association Kyaghanda Yira a tenu à marquer la distance : « L’opportunisme individuel ne saurait masquer notre loyauté envers la nation. » Dans une déclaration sans équivoque, elle réaffirme son soutien au président Félix Tshisekedi et à la lutte pour la libération des territoires occupés. Ce positionnement rappelle que le recrutement de cadres comme Daniel Kisaka M23 ne parvient pas à effacer les racines transfrontalières de la rébellion.
Ce cas emblématique révèle les fissures d’une stratégie : peut-on vraiment congoliser une rébellion née dans les laboratoires de Kigali ? Le M23, en quête de légitimité autochtone, semble prêt à instrumentaliser les ambitions frustrées d’anciens dignitaires. Mais comme le souligne amèrement la communauté Yira, cette opération de charme se heurte à la mémoire historique des peuples du Kivu. Le parcours de Kisaka illustre cette tension entre calculs individuels et conscience collective – un dilemme qui pourrait bien déterminer l’issue de cette guerre d’influence.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net