Une proposition de loi modifiant le code de la famille congolais, déposée au bureau du Sénat le 2 juin dernier par le sénateur José Panda Kabangu, pourrait révolutionner les pratiques matrimoniales en République Démocratique du Congo. Ce texte ambitieux s’attaque à deux problématiques centrales : la commercialisation excessive de la dot et les frais illégaux imposés lors de l’enregistrement du mariage civil, véritables obstacles pour de nombreux jeunes couples.
Lors d’un forum organisé à Kinshasa par le « Palabre, Forum congolais sur la famille », le parlementaire a précisé les fondements de sa démarche législative. « La question de la dot reste au cœur des préoccupations. Perçue à tort comme une transaction commerciale, elle suscite des tensions croissantes au sein de la société. Il devient impératif de l’encadrer juridiquement », a déclaré José Panda, insistant sur la nécessité de redonner à cette pratique sa dimension symbolique originelle, dans le respect des us et coutumes de chaque groupe ethnique.
Concrètement, la proposition prévoit la modification de l’article 363 du Code de la famille par l’ajout d’un alinéa instituant une nomenclature des symboles de la dot spécifique à chaque communauté. Cette liste référentielle, élaborée par les ministères chargés des affaires coutumières et de la famille, mettrait fin aux demandes démesurées dénoncées par le sénateur : « Des forages, des appareils électroniques, des sommes exorbitantes et autres biens matériels sont fréquemment sollicités, éloignant progressivement la dot de la coutume traditionnelle ».
La seconde innovation majeure concerne la gratuité totale du mariage civil. Le texte modifie l’article 377 pour préciser que « la célébration et la délivrance de l’acte du mariage s’effectuent sans frais », mettant ainsi fin aux pratiques arbitraires constatées sur le terrain. José Panda a vivement dénoncé ces dysfonctionnements : « Chaque bourgmestre ou officier de l’état civil impose, de manière arbitraire, des paiements en espèces ou en nature comme condition préalable à l’enregistrement du mariage ». Une situation d’autant plus paradoxale que la loi existante exemptait déjà formellement ces démarches de tout frais.
Le législateur rappelle par ailleurs la double nature administrative et statistique du mariage civil. Cette procédure permet à l’État congolais de collecter des données essentielles sur les structures familiales et leur répartition géographique, informations cruciales pour l’élaboration de politiques publiques adaptées aux réalités sociales. La gratuité faciliterait ainsi non seulement l’accès à l’union légale mais aussi la fiabilité des données démographiques nationales.
Au-delà de ces avancées concernant la dot et l’enregistrement du mariage, la proposition de loi introduit des modifications substantielles sur des questions sensibles comme la garde des enfants après dissolution du mariage, le régime des mariages monogamiques ou encore les règles régissant donations et testaments. Cette initiative s’inscrit dans un mouvement plus large de modernisation du droit familial congolais, répondant aux évolutions sociétales tout en préservant les fondements coutumiers.
La problématique centrale demeure : comment concilier tradition et modernité dans une société en pleine mutation ? La commercialisation de la dot représente-t-elle une dérive inéluctable ou peut-on retrouver sa dimension symbolique originelle ? Ces interrogations traversent le débat public alors que le texte sera prochainement examiné en commission sénatoriale.
L’activité de présentation, soutenue par Religions for Peace, l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours et le RS Groupe, a souligné l’importance d’un cadre législatif adapté aux réalités congolaises. Si adoptée, cette réforme constituerait une avancée significative pour les couples confrontés aux obstacles financiers du mariage civil, tout en réaffirmant la valeur culturelle des traditions matrimoniales.
Samyr LUKOMBO
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
