Le visage creusé par l’inquiétude, Jean-Bosco*, professeur de mathématiques à Minova, confie d’une voix brisée : “Comment nourrir mes trois enfants quand mon dernier salaire remonte à janvier ? On survit grâce à la solidarité des voisins, mais jusqu’à quand ?”. Son témoignage reflète le calvaire de milliers d’enseignants du territoire de Kalehe, dans la province du Sud-Kivu, pris au piège d’une crise silencieuse mais dévastatrice.
Depuis plus de quatre mois, ces professionnels de l’éducation ne perçoivent plus leurs rémunérations. Une situation intenable dénoncée avec vigueur par le député provincial Lebon Fungulo, élu de Kalehe, lors d’une intervention alarmante mercredi dernier. Dans cette région meurtrie, la crise enseignants RDC prend une dimension particulièrement aiguë, directement liée à l’insécurité chronique générée par le conflit M23 éducation.
Les conséquences humaines sont palpables dans chaque salle de classe. “Certains collègues donnent cours le ventre vide”, soupire une institutrice de Bunyakiri sous couvert d’anonymat. “D’autres ont retiré leurs enfants de l’école faute de payer les frais scolaires. L’ironie est cruelle : nous qui formons les futures générations, nous ne pouvons plus assurer l’avenir de nos propres familles”. Ces salaires non versés Sud-Kivu plongent des foyers entiers dans une précarité vertigineuse, obligeant nombre d’enseignants à des activités de survie qui grignotent leur temps d’enseignement.
Le député Fungulo, dans son alerte publique, pointe un mécanisme administratif paralysé par la guerre. “Les circuits financiers sont coupés, les agents ne peuvent plus accéder aux zones à risque”, explique-t-il, appelant Kinshasa à une intervention urgente. Sa proposition ? Étendre immédiatement à Kalehe les systèmes de paiement électronique déjà expérimentés dans d’autres régions en crise, comme le montre l’exemple récent du Masisi où des solutions avaient été envisagées pour des enseignants confrontés à des difficultés similaires.
Mais derrière les enseignants impayés Kalehe, c’est tout l’édifice éducatif qui vacille. Comment maintenir la qualité pédagogique quand le corps enseignant est accablé par les soucis de survie quotidienne ? Qu’adviendra-t-il de ces élèves si leurs professeurs, poussés à l’exil économique, abandonnent les salles de classe ? La crise enseignants RDC dans cette zone dépasse largement une simple question de liquidités : elle sape les fondations mêmes du droit à l’éducation dans une région déjà éprouvée.
Les appels du député Lebon Fungulo résonnent comme un cri d’alarme face à l’indifférence. “Le gouvernement doit considérer ces enseignants comme des priorités humanitaires”, insiste-t-il. Pourtant, les solutions existent – transferts mobiles, paiements via des structures locales sécurisées – mais manquent cruellement de volonté politique pour leur déploiement rapide.
Cette paralysie salariale illustre tragiquement comment les conflits armés détruisent insidieusement le tissu social. Alors que les combats du conflit M23 éducation continuent de faire la une, le drame des enseignants affamés reste dans l’ombre. Jusqu’à quand la République pourra-t-elle se permettre de sacresser piliers de son avenir ? La réponse à cette question rhétorique déterminera le sort de toute une génération d’écoliers du Sud-Kivu.
*Le prénom a été modifié pour protéger l’anonymat de l’intéressé
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net