L’assassinat du chef coutumier Kalunga Sha Nyebe dans le groupement de Bakwa Lemba à Kibulungu vient de cristalliser une colère latente. L’Observatoire Congolais des Droits Humains (OCDH), section Kasaï, pointe désormais un responsable institutionnel : le ministre provincial de l’intérieur et des affaires coutumières, accusé d’« incompétence manifeste » dans la gestion des conflits coutumiers qui ensanglantent la région. Maître Hubert Ngulandjoko, coordonnateur provincial de l’organisation, a lancé un appel cinglant à la démission immédiate du titulaire de ce portefeuille stratégique.
« Aucun conflit coutumier n’a été maîtrisé par ce ministre », a martelé Ngulandjoko lors d’un échange avec la presse, soulignant que l’assassinat du chef Kalunga – survenu en pleine cérémonie d’intronisation – illustrait un « inactivisme » coupable. Le défenseur des droits humains relève avec ironie que le gouverneur s’est déplacé personnellement sur les lieux du drame tandis que son ministre « brillait par son absence », un contraste éloquent dans la gestion des crises sécuritaires. Jusqu’où devra monter le bilan tragique pour que les autorités réagissent ?
L’OCDH ne se contente pas de réclamer une démission. L’organisation annonce des « actions citoyennes » si le ministre persiste à occuper ses fonctions, et interpelle violemment l’Assemblée provinciale du Kasaï, restée étrangement silencieuse face à cette « dérive administrative ». « Les députés doivent user sans complaisance de leur pouvoir de contrôle parlementaire », exige Ngulandjoko, plaidant pour le lancement immédiat d’une motion de défiance. Un appel qui résonne comme un test décisif pour la crédibilité des institutions provinciales.
La critique de l’OCDH s’ancre dans un contexte alarmant. Outre le drame de Kibulungu, les conflits coutumiers ont récemment embrasé Muyombo et le territoire de Tshikapa, où des affrontements fonciers entre villages Bolombo et Longa ont fait un mort et trois blessés graves début août. Ces épisodes répétés dessinent une cartographie de l’impuissance étatique face à la montée des violences traditionnelles. Comment expliquer cette incapacité chronique à anticiper ou désamorcer les tensions, alors que la vie humaine est « sacrée » selon les propres termes des défenseurs des droits ?
La balle est désormais dans le camp du pouvoir provincial. Soit l’exécutif et les députés entendent l’ultimatum de l’OCDH sur la démission du ministre, soit ils risquent d’alimenter un cycle de défiance populaire. Les prochains jours s’annoncent déterminants pour la stabilité du Kasaï, où chaque heure d’inaction creuse un peu plus le fossé entre une population en quête de sécurité et des autorités accusées de passivité. La motion de défiance réclamée pourrait bien devenir le thermomètre de la responsabilité politique dans une province au bord de l’implosion coutumière.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd