Vivre en harmonie : comprendre vos droits face au bruit
En République Démocratique du Congo, le droit à la tranquillité est protégé par plusieurs textes légaux. Les nuisances sonores excessives constituent ce que le Code civil congolais qualifie de trouble anormal de voisinage (Article 545). Ce concept signifie qu’un propriétaire ou locataire ne peut causer à ses voisins des désagréments dépassant les inconvénients normaux de la vie en communauté.
Ce que la loi congolaise considère comme bruit excessif
La jurisprudence congolaise et le Règlement d’urbanisme et de construction précisent que sont notamment prohibés :
- Les musiques amplifiées après 22h jusqu’à 6h
- Les activités professionnelles bruyantes en zone résidentielle hors horaires autorisés
- Les aboiements intempestifs d’animaux non contrôlés
- Les cris et altercations répétés perturbant la paix du voisinage
La voie amiable : première étape recommandée
Avant toute procédure judiciaire, il est conseillé de privilégier les solutions à l’amiable :
1. Le dialogue direct
Une conversation courtoise avec son voisin permet souvent de résoudre le problème. Expliquer calmement la gêne occasionnée, en privilégiant les formules telles que “Je me permets de vous signaler que…” plutôt que des accusations.
2. La médiation par le chef de quartier
En RDC, les autorités locales (chef de quartier, chef de rue) disposent d’un pouvoir de conciliation reconnu. Leur intervention officieuse permet fréquemment de trouver un terrain d’entente sans formalisme juridique.
3. La lettre recommandée
Si le dialogue échoue, une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception peut être envoyée. Cette démarche formalise la demande de cessation des nuisances et crée une preuve en cas de recours ultérieur.
Les recours juridiques lorsque l’amiable échoue
Recours administratif auprès de la police
Conformément à la Loi sur la police de la tranquillité publique (Loi n°73-021 du 20 juillet 1973), les agents de l’ordre peuvent intervenir pour constater les troubles. Il est recommandé :
- De contacter le commissariat de police territorialement compétent
- Demander un procès-verbal de constat des infractions
- Insister pour obtenir une copie du PV signée
Action en justice devant le tribunal
Si les démarches précédentes restent sans effet, deux voies judiciaires sont possibles :
1. L’action en cessation de trouble : Introduite devant le Tribunal de Paix compétent (Article 18 du Code de procédure civile), cette procédure vise à faire ordonner l’arrêt immédiat des nuisances. Elle est relativement rapide et ne nécessite pas d’avocat obligatoirement.
2. L’action en dommages-intérêts : Si le bruit a causé un préjudice vérifiable (troubles du sommeil attestés par certificat médical, baisse de productivité professionnelle), une demande de réparation pécuniaire peut être formulée.
Preuves à rassembler pour appuyer sa demande
Pour réussir sa démarche juridique, il est essentiel de constituer un dossier probant comprenant :
- Des constats d’huissier datés et horodatés
- Des enregistrements audio/vidéo (sans violation de domicile)
- Des témoignages écrits de voisins
- Un journal des nuisances avec dates et heures précises
- Des certificats médicaux si atteinte à la santé
Sanctions prévues par le droit congolais
Les auteurs de troubles sonores persistants s’exposent à :
- Des amendes administratives (de 5,000 à 20,000 FC selon les communes)
- Des dommages-intérêts fixés par le juge
- Dans les cas extrêmes, une résiliation de bail pour le locataire bruyant
- Exceptionnellement, des peines d’emprisonnement si le bruit constitue un tapage injurieux (Article 85 du Code pénal)
Pour une coexistence pacifique
Le droit congolais cherche à concilier liberté individuelle et respect d’autrui. Avant d’engager des procédures coûteuses et longues, il est toujours préférable d’explorer les solutions dialoguées. La médiation traditionnelle par les autorités locales reste souvent la méthode la plus efficace pour préserver les relations de voisinage tout en faisant cesser les nuisances. Si le recours juridique devient nécessaire, il convient de se faire assister par un avocat ou une association de défense des consommateurs agréée pour garantir le respect des procédures.
Natasha Shama, Juriste diplomée en Droit UNILU