Les cris déchirants de Mama Kavira résonnent encore dans les ruelles calcinées de Nyalukemba. « En trente minutes, le feu a tout pris : nos lits, les cahiers des enfants, jusqu’aux photos de mon défunt mari », sanglote cette mère de quatre enfants, assise sur les décombres de sa maison. Comme des dizaines d’autres familles sinistrées, elle a tout perdu dans l’incendie qui a embrasé les avenues Albert Kayabo et Irambo dans la nuit du samedi 3 août. Un drame qui plonge Bukavu dans une détresse familière, mais toujours aussi brutale.
Les flammes, parties d’une source encore inconnue, ont dévoré avec une rapidité terrifiante plus d’une centaine de maisons dans ce quartier densément peuuplé de la commune d’Ibanda. Construites majoritairement en planches de bois et tôles ondulées, ces habitations précaires ont offert un festin au brasier. « C’était un mur de feu qui avançait sans pitié », témoigne Pascal Muderhwa, voisin dont l’échoppe a échappé de justesse au sinistre. Au petit matin, le paysage n’était plus que cendres fumantes et silhouettes hagardes errant parmi les ruines, cherchant désespérément un objet rescapé.
Comment expliquer cette recrudescence d’incendies qui frappent Bukavu comme une malédiction récurrente ? Pour David Chikuru, notable respecté de la ville, la réponse est claire : « Tant qu’on négligera l’éducation environnementale, nous allons pleurer chaque mois de nouvelles victimes ». Dans un enregistrement audio poignant, sa voix martèle l’urgence d’agir : « Il faut sensibiliser aux risques des branchements électriques anarchiques, des feux de cuisine mal éteints, de ces gestes du quotidien qui transforment nos quartiers en poudrières ». Un appel pressant lancé alors que des enfants grelottants fouillent les décombres à la recherche de leurs uniformes scolaires carbonisés.
Derrière chaque chiffre – cent maisons détruites, des dizaines de familles à la rue – se cache une réalité sociale criante. Nyalukemba, comme beaucoup de quartiers populaires de la RDC, cumule les vulnérabilités : ruelles étroites impraticables pour les pompiers, absence d’hydrantes, et cette fatalité qui fait dire aux habitants : « Après la pluie vient le feu ». Les autorités locales sont-elles condamnées à ne réagir qu’en pompistes de l’urgence ? La prévention incendie reste le parent pauvre des politiques urbaines, malgré les promesses répétées après chaque drame.
Ce nouveau sinistre à Bukavu sonne comme un avertissement glaçant. Alors que les sinistrés dorment à même la terre, enveloppés dans la fumée âcre de leurs vies réduites en cendres, une question brûle les lèvres : combien de Nyalukemba faudra-t-il sacrifier avant que des mesures concrètes ne voient le jour ? Construction de réservoirs d’eau stratégiques, formation de brigades volontaires, réglementation des matériaux de construction… Les solutions existent. Mais dans l’immédiat, c’est un peuple meurtri qui mendie un toit et demande justice pour ses rêves partis en fumée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
