« Représenter la RDC, c’est une immense fierté. C’est l’opportunité de faire entendre la voix de la jeunesse congolaise », confie Grâce Neema Luhata, la poétesse de 21 ans dont le texte « Du stéthoscope au micro » vient de lui ouvrir les portes de la Coupe d’Afrique de Slam-Poésie. Cette étudiante en médecine du Sud-Kivu incarne, avec son engagement au collectif Karhera Slam, une nouvelle génération de femmes africaines brisant les plafonds de verre dans des sphères traditionnellement masculines.
À des milliers de kilomètres, sur les routes du Tour de France Femmes, une autre révolution silencieuse s’écrit sous les roues de Kim Le Court-Pienaar. Mercredi, cette Mauricienne de 29 ans est entrée dans l’histoire en devenant la première cycliste africaine à remporter une étape de cette compétition mythique. Sa victoire lors de l’étape reine de 166 km, face aux championnes mondiales Demi Vollering et Katarzyna Niewiadoma, s’est accompagnée d’un symbole fort : l’enfilage du maillot jaune.
Que nous disent ces deux trajectoires croisées ? D’abord, que l’excellence féminine africaine s’impose là où on ne l’attendait pas. Grâce Neema Luhata, soutenue par l’Institut Français de Bukavu, utilise son art pour porter des combats sociaux via son projet Waza Slam. « Vulgariser l’autonomisation des femmes n’est pas un choix, c’est une nécessité dans notre contexte », insiste-t-elle. Son parcours académique en médecine et artistique en slam-poesie illustre cette polyvalence des jeunes Africaines déterminées à concilier plusieurs passions.
Kim Le Court-Pienaar, elle, symbolise la persévérance du sport féminin africain dans un milieu ultra-compétitif. Formée entre l’Afrique du Sud et Maurice, son endurance a triomphé des bastions européens du cyclisme. Son maillot jaune brille comme un phare pour des milliers de jeunes filles rêvant de vélodromes ou de podiums internationaux. Le continent compte-t-il assez d’infrastructures pour reproduire ces succès ? La question mérite d’être posée tant les disparités d’accès aux entraînements de haut niveau persistent.
Ces victoires transcendent le simple fait d’actualité. Elles tissent une narration commune : celle de femmes africaines réécrivant leur place dans l’espace public. Alors que Grâce s’apprête à défendre les couleurs congolaises en Guinée en septembre, Kim porte déjà les espoirs d’un cyclisme continental en émergence. Leur point commun ? Avoir surgi de régions où les inégalités de genre restent criantes, transformant chaque obstacle en tremplin.
Derrière ces parcours individuels se profile un enjeu sociétal crucial : la visibilité des modèles féminins. Quand une jeune Kinoise verra Grâce déclamer sur scène, quand une Mauricienne pédalera en imaginant le maillot jaune, que se passe-t-il ? Ces images plantent des graines d’ambition. Mais suffisent-elles ? Le vrai défi reste institutionnel : comment les États et fédérations peuvent-ils systématiser ces réussites éparses ?
La réponse viendra peut-être des terrains concrets. À Bukavu, Grâce Neema Luhata anime déjà des ateliers Waza Slam pour libérer la parole féminine. Sur les routes du Tour de France, la percée de Kim Le Court-Pienaar pourrait accélérer les investissements dans le cyclisme féminin africain. Ces deux femmes tracent une route où l’art et le sport deviennent des armes d’émancipation massive. Et si leur plus grande victoire était d’ouvrir la voie à des milliers d’autres ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd