Dans un contexte d’insécurité persistante et de fractures communautaires, le gouvernement provincial du Sud-Kivu a orchestré ce mercredi une rencontre diplomatique d’ampleur à Uvira. Sous la houlette du gouverneur Jean-Jacques Purusi Sadiki et de son vice Jean-Jacques Elakano, cette assemblée extraordinaire visait ni plus ni moins à ressouder les liens distendus entre autorités, milices patriotiques et populations locales. Une initiative saluée comme salvatrice par les participants, mais qui soulève une question cruciale : cette réconciliation affichée parviendra-t-elle à endiguer les forces centrifuges qui minent la région ?
Autour de la table, l’éventail des acteurs clés du territoire uvirais témoignait de l’urgence opérationnelle : membres du gouvernement provincial, sages traditionnels, représentants tribaux, députés provinciaux et la Fédération des entreprises du Congo (FEC) dialoguant avec les figures emblématiques des Wazalendo. Ces volontaires engagés dans la défense territoriale, souvent perçus comme une force parallèle, ont vu leurs coordinations légitimées par cette reconnaissance institutionnelle inédite. Shamadari Mwami Wambasi, leur porte-parole, a levé un coin du voile sur les tensions passées : « Il s’est avéré qu’il n’y avait aucun problème structurel entre l’autorité provinciale et notre mouvement, seulement des malentendus habilement exploités par des entités hostiles. »
L’analyse des échanges révèle une stratégie provinciale subtile. En intégrant les Wazalendo Uvira au dialogue officiel, Jean-Jacques Purusi Sadiki tente un double pari : canaliser ces milices populaires tout en désamorçant les griefs communautaires instrumentalisés. Les soutiens affichés par Bwaja Mulogoto (Bafuliru) et Mulako Kabemba (Bavira) confèrent à l’initiative une crédibilité ethnique indispensable. Faut-il y voir l’émergence d’un front uni contre l’agression extérieure ? La présence remarquée de Fiston Kabeza, président de l’Assemblée provinciale, accompagné de l’ensemble des élus locaux, suggère un consensus politique inhabituel autour de la feuille de route gubernatoriale.
Surnommé le « Magufuli du Sud-Kivu » par ses partisans, Purusi Sadiki a déployé une rhétorique martiale teintée d’appels à l’unité nationale. Félicitant FARDC et Wazalendo pour leur « bravoure », il les a exhortés à « enterrer la hache de guerre » en invoquant l’exemple du président Tshisekedi. Sa diatribe contre le tribalisme – « instrument de l’ennemi pour diviser nos fils » – résonne comme un aveu implicite des failles exploitées par les groupes armés. Cette rencontre province Sud-Kivu parvient-elle pour autant à gommer les défiances historiques ? Si les discours apaisent les tensions immédiates, la pérennité de cette cohésion sociale RDC naissante dépendra des traductions concrètes en matière sécuritaire et économique.
L’épilogue de ce sommet uvirais dessine cependant des lignes de fracture potentielles. En appelant à un « bloc unifié » derrière les autorités, le gouverneur semble marginaliser les contre-pouvoirs locaux, suscitant des interrogations sur l’équilibre des forces émergent. La relance du développement promis restera-t-elle lettre morte sans désarmement effectif des milices ? Telle est l’équation à résoudre pour Jean-Jacques Purusi Sadiki, dont la crédibilité politique se joue désormais sur sa capacité à transformer cette trêve diplomatique en paix durable. Le chemin vers la stabilisation du Sud-Kivu, semé d’embûches communautaires et militaro-économiques, ne fait que commencer.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net