Assise sur un matelas carbonisé, Mukamwiza tient serré le seul uniforme scolaire épargné par les flammes. « C’était notre maison depuis quinze ans, tout a disparu en moins d’une heure », murmure-t-elle, le regard perdu dans les cendres de l’avenue Hewa Bora. Comme dix-sept autres familles de la commune d’Ibanda à Bukavu, elle a tout perdu dans l’incendie qui a ravagé onze habitations lundi soir. Une scène de désolation qui se répète tragiquement au Sud-Kivu.
Selon des témoins locaux, le drame a débuté vers 20 heures dans un foyer domestique mal contrôlé. Les flammes, attisées par des vents secs, ont embrasé les maisons mitoyennes construites en matériaux légers. « C’était un mur de feu qui avançait, on ne pouvait rien sauver », confie un voisin, encore sous le choc. La promiscuité urbaine caractéristique de Bukavu a transformé l’incident initial en catastrophe collective.
Dans un élan de solidarité, des jeunes du quartier ont pris des risques insensés. Armés de pioches, ils ont démoli cinq habitations pour créer une barrière anti-feu. « Sans eux, tout le quartier y passait », reconnaît un membre de la société civile. Cette intervention courageuse a évité des pertes humaines mais n’a pu empêcher la destruction d’une école voisine où cinq salles de classe sont réduites à néant.
Les sinistrés du Sud-Kivu dorment désormais à ciel ouvert, exposés aux intempéries et à l’insécurité. « Mes enfants grelottent de froid, comment vais-je les nourrir demain ? » s’interroge Pascal, père de quatre enfants. Cette détresse matérielle s’ajoute à un traumatisme psychologique profond pour ces familles déjà vulnérables.
Ce drame n’est malheureusement pas isolé. La semaine dernière, près de la paroisse Saint François à Kadutu, d’autres incendies maisons RDC ont laissé des dizaines de personnes sans abri. Depuis début juillet, près de cent habitations ont été détruites par le feu dans la seule ville de Bukavu. Un bilan alarmant qui révèle une crise systémique.
En cause ? L’urbanisation anarchique qui étouffe les ruelles de constructions précaires. Les pompiers, lorsqu’ils existent, ne peuvent accéder aux foyers d’incendie. « Comment intervenir quand les camions ne passent pas dans des ruelles de 80 cm de large ? » s’insurge un habitant. La promiscuité urbaine incendie se transforme en piège mortel, particulièrement pendant la saison sèche.
Les autorités locales sont pointées du doigt. Après chaque tragédie, des promesses de mesures préventives fusent, mais aucune action concrète ne suit. Pendant ce temps, les écoles détruites à Bukavu privent des centaines d’enfants d’éducation. Jusqu’à quand les pouvoirs publics ignoreront-ils cette bombe à retardement ?
Derrière les statistiques glacées des incendies maisons RDC se cache une réalité humaine insoutenable. Ces sinistrés du Sud-Kivu symbolisent l’urgence d’une politique d’aménagement urbain cohérente. Sans réforme radicale des quartiers précaires, Bukavu restera une poudrière où la moindre étincelle déclenchera le désastre. La résilience des habitants atteint ses limites – quand l’État congolais prendra-t-il enfin ses responsabilités ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net