Une odeur de cendre et de sacrilège flotte encore sur la paroisse Saint Jean de Capistran, à Lopa. Le 21 juillet dernier, des miliciens CODECO ont transformé ce lieu de recueillement en champ de ruines. « Ils ont piétiné l’hostie consacrée, fracassé les statues mariales et volé tout ce qui avait de la valeur », raconte un fidèle sous couvert d’anonymat. Ce jour-là, l’Ituri a vu son sanctuaire souillé, poussant Monseigneur Dieudonné Uringi, évêque du diocèse de Bunia, à prendre une mesure sans précédent : la suspension immédiate de toutes les activités ecclésiastiques.
Dans son décret du 27 juillet, l’homme d’Église qualifie l’acte de « gravement injurieux », invoquant le canon 1211 du droit canonique. Ce texte sacré stipule qu’un lieu profané ne peut accueillir de culte avant une réparation pénitentielle. Comment une communauté peut-elle prier là où le sacré a été violé ? La question hante les 5 000 fidèles de Lopa, désormais contraints de chercher refuge dans les paroisses voisines. Pour le père Marcel Lokoro, cette suspension est « une blessure spirituelle collective » dans une région où l’église reste souvent le dernier rempart contre la violence.
Derrière cette décision canonique se cache une réalité plus sombre : l’enracinement des groupes armés dans le territoire de Djugu. La CODECO, milice principalement issue de la communauté Lendu, multiplie depuis des mois les attaques contre des symboles religieux. Est-ce une stratégie pour déstabiliser les structures sociales ? Les autorités diocésaines en sont convaincues, ayant saisi la MONUSCO et le gouvernement provincial pour exiger une enquête. « Sans justice, aucune réparation n’est possible », insiste le vicaire général du diocèse de Bunia.
La réouverture de la paroisse dépendra désormais de deux facteurs : l’apaisement sécuritaire et la cérémonie expiatoire. Mgr Uringi a lancé un appel au calme, mais dans les ruelles de Bunia, la colère gronde. « Quand des hommes arrachent Dieu de sa maison, que reste-t-il à un peuple ? », s’interroge Marie Kessia, commerçante. Cette profanation dépasse le cadre religieux – elle révèle l’effritement du lien social en Ituri. Alors que la suspension des activités paroissiales prive les populations de soutien moral et matériel, la communauté internationale observe, impuissante face à cette escalade sacrilège.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net